samedi 13 octobre 2012

EN ECHO A AUTOUR DU PUITS : LA FASHION HUITRE


Son billet, absolument craquant, entre chaussures déjantées, stars sublimes et sorbet framboise, était déjà un écho à celui que j'avais, sans trop savoir de qui je parlais, consacré aux "people". Montrées en action, in situ et avec l’œil coquin mais tellement efficace qu'on lui connait, les célébrités en question ont pris sous sa "plume" une couleur artistique, avec ce reportage inédit et ô combien dépaysant, pour nous provinciaux éloignés de "là où ça se passe" et de "là où il faut être" !! La Fashion Week en l’occurrence, dont on nous rebat les oreilles depuis plus d'une semaine ma foi, a joyeusement inspiré Autour du Puits.



Et voilà que nos mareyeurs, plus provinciaux tu meurs, ont eu une petite idée marrante qui me semblait mériter le billet. Pourtant j'avais laissé tomber ce projet, mais finalement, en dédicace à Autour du Puits, j'ai eu envie de le reprendre. Les huîtres, celles d'ici, les meilleures pourrais-je affirmer avec la mauvaise foi qui sied à une convertie*, ont connu l'an dernier quelques malheurs commerciaux et techniques dus à une surmortalité des naissains, elle-même imputable à la destruction des écosystèmes côtiers. L'affaire est compliquée, parce que les naissains et les huîtres elles-mêmes, sont allègrement transportés d'un endroit à l'autre afin de la faire engraisser plus efficacement, et il a fallu règlementer ferme ces transferts pour tenter d'enrayer l'épidémie. Pour autant, la profession ostréicole a besoin d'y croire et de stimuler les ventes, surtout en fin d'année, de ce précieux produit devenu, de fait, presque un aliment de luxe.



Alors les conseillers en marketing mobilisés sur le sujet ont eu l'idée de lancer une campagne de promotion de la "Marennes Oléron", en jouant sur la presque homophonie entre huître et week. Cela donne la Fashion Huître, occasion de parler du métier, d'expliquer comment on élève les bestioles, comment on les rend charnues et délicates à point ... et occasion surtout d'en faire la promotion !
Les billets de Michelaise sont, vous le subissez souvent, un peu trop didactiques, mais que voulez-vous, il me faut pour le coup me livrer à une nécessaire présentation de "notre" collection de mollusques, tous meilleurs les uns que les autres. 4 modèles cette année (et les autres années aussi d'ailleurs !).




Une claire est un bassin d'affinage, bassin argileux peu profond, dans lequel on installe les huîtres pour leur permettre de consolider leur coquille et surtout d'engraisser. La "fine de claire" y reste 28 jours au minimum, entre novembre et mars, à raison de 3kg maximum par m² (soit 20 à 25 huîtres). Elle sera donc peu charnue, de forme homogène, facile à ouvrir, avec une teneur équilibrée en sel (sauf s'il a trop plu, ou pas assez !). Ses branchies sont blanches, son manteau translucide et elle présente un goût prononcé de terroir qui fait sa caractéristique.




La "fine de claire verte" présente les mêmes caractères technique que sa petite sœur. Simplement, grâce à la présence dans les bassins d'élevage de la fameuse navicule bleue, elle offre cette teinte verte particulière sur les branchies qui lui donne, non un goût particulier mais cet aspect appétissant, émoustillant pour les papilles et qui fait tout son charme. Avouez que cela met l'eau à la bouche ! La navicule est une micro algue filtrée par l’huître qui en retient le pigment colorant, la marennine. Commercialisée d’octobre à mai pour respecter son cycle de reproduction, elle est donc non laiteuse et fait le bonheur des amateurs d'huîtres peu charnues.




La "spéciale de claire" passe, elle aussi, 28 jours minimum dans les bassins, à raison toujours de 3kg maximum au m². Mais, par rapport aux précédentes, son manteau est blanc et elle est nettement plus charnue. Sa saveur salée est légèrement plus douce, à cause du goût plus sucré de la laitance. Longue en bouche, elle a ses connaisseurs, qui préfèrent son côté plus gras, plus long en bouche. En fait, elle est sélectionnée avant l'affinage pour sa forme régulière, plus ronde, plus épaisse que les autres. Plus concave donc, elle pourra accueillir un volume de chair plus important. Elle fait l'unanimité de ceux qui préfèrent les huîtres "grasses" à cause de sa laitance généreuse.




Longtemps connue des seuls "locaux", la "pousse en claire" a été labellisée il y a quelques années (en 1999) et connait, depuis, un succès grandissant. Pour en rester avec la comparaison de défilés de mode, c'est la robe de mariée de la collection. Ses conditions d'obtention sont tout à fait différentes : elle reste en claire entre 4 et  8 mois, à raison de 5 huîtres maximum au m². Croyez-moi, à ce régime, les petites ont tendance à prendre du tour de taille !! Mais bien sûr, le produit est commercialisé beaucoup moins longtemps et son prix, forcément, en fait un aliment de grand luxe. 


La quantité de chair est importante, son manteau ivoire se marie à plaisir avec des branchies blanches et parfois, si la navicule a fait quelques petits séjours dans son bassin, vertes. Malgré son arôme sensible de marais et de sel, c'est la saveur sucrée qui prédomine, faisant de ce produit ferme et élégant un délice au petit parfum de noisette vraiment inimitable ! 

Elle est tellement bonne que lorsqu'on y a goûté on préfère consommer des huîtres moins souvent, mais s'offrir des "pousse-en-claire". Certains achètent, et hors de la région c'est préférable, des produits munis du Label Rouge : mais ici, certains ostréiculteurs vendent des huîtres ayant les mêmes caractéristiques, mais sans la marque. Il suffit d'y goûter pour savoir comment elles ont été élevées : ce sont souvent les parents, partis à la retraite et ayant transmis l'affaire aux jeunes, qui ont conservé pour leur propre plaisir et pour leur consommation quelques claires. Ils les utilisent "à l'ancienne" et vendent le surplus sur les marchés. Elles sont commercialisées non pas à la douzaine mais au kilo, car plus elles sont pleines, meilleures elles sont. On en mange moins mais quel régal !



* avant d'habiter en Charente-Maritime, j'étais, de naissance et de cœur, bordelaise, et j'affirmais alors, sans rougir, que les meilleures huîtres étaient celles du Bassin d'Arcachon... forcément ! Et vous avez compris que j'ai totalement changé d'avis.


21 commentaires:

  1. Michelaise, ce sont mes préférées les fines de claire, les spéciales de claire.
    Oui oui je tremble, un jour ou l´autre mous aurons de la difficulté à en trouver, elles vont devenir inabordables.
    Cher terroir...


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    1. Allons cela reste accessible encore, il suffit de ne pas en consommer au moment des fêtes car alors, la rareté fait grimper les prix ! Il faudrait qu'un jour tu goûtes les pousse en claire !

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  2. On me connait je suis assez snob et je préfère vivre dans 200m² que dans un HLM
    Donc tu t'en doutes je préfère les pousses de claire
    Hélas je ne sais pourquoi toutes celles que j'ai pu acheter ici n'ont rien à voir avec celles que grâce à toi j'ai découvertes un jour.
    Pour aimer les huitres ,ça oui j'aime les huitres ,en ce qui me concerne on ne pourra pas me taxer de chauvine ,mes préférées sont celles de Marennes.
    Je ne sais pas à quoi c'est dû ,un savoir-faire,un "terroir",nulle part je n'ai retrouvé ce goût ,cette texture.
    Savais -tu que maintenant on commence à installer des naissains en Irlande?
    A côté de Dieppe il y un huîtrier chez lequel je me fournis de temps en temps ses huîtres commencent par un séjour en Irlande
    J'avoue que cela me fait assez drôle!
    Merci de ce clin d'oeil

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    1. Ravie de cette eau à mon moulin !! Et, effectivement, tu ne peux être taxée de chauvine. Celles que nous avions mangées ensemble, justement, n'avaient pas le label rouge mais les ostréiculteurs qui les élèvent, les font vraiment pour eux et vendent le surplus au marché de Royan !
      Les naissains se promènent et on les emmène d'un endroit à l'autre pour les faire grossir le plus possible. Les Marennes Oléron ont souvent visité la Bretagne voir plus haut, avant d'être affinées. Mais la fin qui leur donne leur saveur !

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  3. En effet, je ne les connais pas, je me renseignerai.
    Merci Michelaise.

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  4. À propos de ces naissains en Irlande je crois savoir que certains producteurs de vin à jolies bulles ont commencé à acheter des terrains dans le sud de l’Angleterre dans le but presque avoué de produire leur appellation sous des latitudes où la température sera moins élevée à terme. Si mes informations sont exactes, au rythme de l’élévation de température moyenne sur notre terre, d’ici une vingtaine d’années nous devrions avoir des températures moyennes à Lyon de l’ordre de celles d’Alger en ce moment. Ce qui veut dire, Michelaise, que vous aurez des palmiers au lieu de vos pins. Alors on peut comprendre que les ostréiculteurs prennent des positions plus au nord… s’ils veulent survivre.

    Michel de Lyon

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    1. Et oui Michel, on voit de grands champs de maïs depuis déjà pas mal d'années quand on va à Bruxelles, et vous avez raison, je vais regrettez "mes" pins. D'autant qu'ils me tiennent autant à coeur que la Gascogne dont je suis originaire et qu'ils me rappellent ! Pour moi le palmier a un côté "villa des années 30" assez croquignolet ! Pourtant, il existe de bien jolis palmiers, je vais me pencher sur la question. Et vous n'évoquez pas Michel, la disparition probable des truffes si nous n'avons plus d'hiver assez rigoureux. Et là, pas de quartier, ce ne sont pas les truffes chinoises, vraiment mauvaises, qui vont nous consoler !

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    2. Des truffes chinoises ? Comme vous y allez ! Je suis peu connaisseur de ce petit champignon. Goûté une seule fois et il y a fort longtemps en Bourgogne : des œufs brouillés aux truffes. Mais vous m'avez rappelé une bonne chose du bon Joseph Delteil qui disait (dans la cuisine paléolithique je crois) et en substance : la truffe ? une pomme une truffe une pomme une truffe... Il s'agissait de pommes de terre en robe des champs je crois. Sans doute à pratiquer alors qu'on le peut encore tant il est vrai qu'on n'a pas encore trouvé de palmier truffier. Mais aux bio-technologues tout sera possible dans les vingt ans... et vous pourrez vous faire de petites omelettes aux truffes récoltées sous les palmiers de Gironde.

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  5. Moi j'aime les blainvillaises et je les préfère à celles de St Vaast la Hougue, département oblige !

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    1. Aïe aïe aïe, Enitram, j'imagine que sur place elles sont en effet excellentes, mais si je t'avoue que j'ai mangé qu'une fois dans ma vie des huîtres du nord, tu vas sourire ! et je ne les ai pas trouvées folichonnes, là tu vas grogner !! mais mon manque d'expérience explique sans doute cela !

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  6. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    1. Si si je vais y arriver, pour moi ce sera une douzaine de pousse en claire n°2 de chez David Hervé à Marennes ou alors le plaisir suprême 6 Belon n° 0 gratinées au champagne.

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    2. Robert, au moins la commande a le mérite d'être "claire" !!! Par contre je ne te suis pas sur le gratin !! d'autant que, encore un aveu, je n'ai jamais mangé de Belon !!!

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    3. C'est un gratin sans fromage !!!! j'ai essayé la recette avec des Marennes mais le résultat n'est pas bon. Nous avions dégusté cette merveille il y a bien des années chez Drouant du temps ou il était étoilé. Snob ?

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    4. Ah mais voilà !! l'huître chaude convient mieux à certaines espèces, dont acte ! Quant au snobisme, certainement pas, ce serait si tu le disais pour "la ramener" mais que tu n'apprécies pas vraiment : avoir envie, une fois de temps à autre, de s'offrir un vrai luxe, même et surtout si c'est une folie qu'on paiera par une surconsommation de tomates pendant une semaine, c'est de l'hédonisme !! J'avoue que c'est, toutes proportions gardées (ce n'était pas Drouant !!), ce que nous avons fait quand nous sommes allés à Montpellier : une table de luxe, mais raisonnée ! C'est à dire que ce fut notre seul repas au resto du voyage, et qu'au retour j'ai annulé une sortie resto prévue pour la St Alter, remplacée par des ris de veau aux morilles maison !! L'un dans l'autre, cela a équilibré le budget : une folie et quelques restrictions somme toute fort agréables aussi !! Et dans ces conditions, ces moments rares n'en ont, pour nous, que plus de prix ! le prix du souvenir exceptionnel...

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    5. surconsommation de tomates (du jardin) ou de patates, selon la saison, bien sûr

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  7. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    1. Françoise tu as dis snob ? rien que de plus simple que d'aimer le luxe.

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    2. Aimer les bonnes choses n'est pas du snobisme, mais, tu as raison, du bon sens !!

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  8. Bon... patatras! Premier retour sur ton blog depuis un petit moment : mal m'en prend! Tu me fais saliver d'autant que je mange rarement des huîtres, car j'ai besoin d'un ouvreur attitré ayant une fâcheuse tendance à me blesser avec les instruments contondants nécessaires pour les ouvrir.

    Toutes les huîtres que chacun évoque sont absolument inconnues au Québec. Ici, nos huîtres viennent souvent des provinces maritimes, du Maine et du Nouveau-Brunswick.

    Sais-tu, tu m'as donné une idée : pour me consoler de ce qui m'attendra au retour des trois jours de grève, je vais m'offrir une petite virée dans un bar à huîtres, d'autant que c'est la saison.

    Merci pour l'idée!

    P.S. Si un jour je vais dans ta région, je choisirai la période où l'on produit la fine claire verte! Elle est tellement mignonne!!!

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    1. Alors là Marie Josée, je suis ravie de t'avoir donné une idée de détente avec les troubles qui sont les tiens et ceux de l'université en ce moment, tu en as bien besoin
      Pour ouvrir les huitres sans te blesser, entoure ta main gauche (si tu es droitière) d'un torchon dans lequel tu mettras l'huitre pour l'ouvrir, et ne prends surtout pas un couteau à huitre mais un bon couteau de cuisine. L'ouverture des huitres me rappellera toujours le décès de mon père : peu de temps après nous étions, maman et moi, dans la cuisine devant une douzaine d'huitres, et décidant en pleurant à chaudes larmes qu'on allait pas rester là les regarder !! il fallait apprendre et s'y mettre !!

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