vendredi 23 novembre 2012

A PROPOS DE COLETTE ENARD


J'ai reçu, il y a quelques jours, un "prière d'insérer" de la part de Monique Léglise, la lectrice que j'ai "rencontrée" à la suite de mes articles sur Colette Enard, peintre et créatrice de cartons de tapisseries. Elle est allée la voir de nouveau et nous livre cette petite interview dans laquelle Madame Enard parle de sa deuxième passion, la tapisserie. Je vous rappelle que madame Enard est une très vieille dame, encore très enthousiaste qui, après avoir peint, a décidé d'abandonner les pinceaux pour l'aiguille : elle s'est mise à confectionner des cartons de tapisseries, qui ont été réalisées et s'est définitivement consacrée à cette activité.

Colette ENARD me prie de faire savoir à mes quelques lecteurs qu’elle ne court plus comme un lapin et qu’en septembre-octobre, elle ne courait même plus comme une tortue ! Pour cette raison et plusieurs autres d’ailleurs, elle n’a pu décrocher le téléphone rapidement car il se trouve loin de sa chambre. Or il a beaucoup sonné…

Ce n’est pas grave puisque la vieillesse n’est pas une maladie. Mais je la vois désolée et pour lui remonter le moral je vais aborder un sujet qui est une grande nouvelle :  
la tapisserie à l’aiguille revient à AUBUSSON après un exil de 60 ans ! Qu’en pensez-vous Colette ? 

            "Lorsque j'ai décidé de devenir cartonnier de tapisserie en 1960. La tapisserie à l'aiguille avait été chassée d'AUBUSSON depuis que les grandes manufactures de tissage s'étaient débrouillées, après l'arrivée des grands cartonniers dans cette ville pendant la guerre, pour que soient fermés tous les ateliers de tapisserie brodée. Il ne restait donc pour la représenter que les petits modèles de grandes séries que vendaient les mercières. Et il s'en vendait énormément parce que la tapisserie était follement à la mode...

            Mais ces petits modèles tirés à des milliers d'exemplaires, indispensables aux loisirs  de bien des dames et baptisés "ouvrages de dames", n'avaient guère de prétentions artistiques.


C'est pourquoi vous avez alors déclaré votre ambition de rénover la tapisserie à l'aiguille ?

            "Ambition présomptueuse parce que je n'avais pas imaginé l'absolutisme d'une concurrence absurde. Les marchands et les experts ne juraient que par la basse lice d'AUBUSSON. L'économie nouvelle était partout dominée par les industriels. Picart le Doux qui a cru pouvoir lancer une petite collection de modèles à l'aiguille, créés par de jeunes cartonniers, a vite abandonné malgré le succès de son initiative. Quant à Lurçat, le livre où il a trop bien honoré l'aiguille n'a jamais été réédité." 

Néanmoins vous avez touché un important public exigeant et raffiné, tant par vos œuvres réalisées dans votre famille ou par vos brodeuses que par vos modèles à broder en exemplaires rares.

            "J'ai créé plus de 200 modèles vendus souvent 6 fois ;  mais les modèles aiguilles réalisés chez moi sont presque tous à l'étranger… Notez que je n'ai pas montré de rancune au tissage et j'ai commandé plusieurs modèles à AUBUSSON. Je précise que pour cette technique, je dessinais différemment mais la réalisation à l'aiguille, point par point, est plus lente et donc moins avantageuse que le tissage. La crise monétaire des dernières années a eu raison du dernier grand atelier de broderie. De mon côté, je n'ai trouvé personne de valable pour prendre ma suite. Enfin, pour plusieurs raisons, trop longues à exposer ici, la tapisserie n'est plus à la mode.
La mode est ce qui se démode mais c'est aussi ce qui revient.  Je ne serai plus là …"
Vos œuvres seront là …

Que va changer le retour de l'aiguille à AUBUSSON ? Rien probablement. Il ne s'agit plus des anciens modèles du genre petits chats et chasses à courre mais l'abstrait que l'on nous sert  correspond à notre époque.


Madame Léglise nous demande ce que nous pensons de tout cela. Qu'il me soit permis de commencer par mon propre commentaire ! Je sais, pour suivre les résultats des ventes publiques, qu'actuellement la cote des tapisseries est assez basse, révélant malheureusement une certaine désaffection pour cette forme d'expression artisitique. On pourrait presque se payer un Lurçat ou un Dom Robert (enfin je dis bien presque !!) tant leur prix sont doux par rapport à ce qu'ils étaient dans les années 60. Pourtant, ces grandes compositions ne manquent pas de charme, loin de là. Comme d'ailleurs celles de Madame Enard, digne représentante de cette lignée artistique. Elle a parfaitement raison en parlant de mode et pas doute, le genre est démodé ! Et si, en parlant, en le montrant, on le faisait redevenir à la mode !! Car là encore, elle parle d'or, ce qui s'est démodé revient souvent à la mode ! Tout n'est question que de temps, de patience et de qualité !! Après le rejet, le "ça fait vieux", le "c'est dépassé", le désuet reprend des couleurs et l'on extirpe, comme autant de découvertes inattendues, des œuvres qu'on avait remisées dans les greniers ! Et j'ai comme l'impression que le purgatoire des tapisseries a déjà été bien long, on devrait les "retrouver" bien vite ! 

L'inscription en septembre 2009 de la tapisserie d'Aubusson au Patrimoine culturel immatériel de 'Humanité par l'Unesco, ne peut qu’œuvrer à cette renaissance. Un renouveau se profile !! Un projet de Cité internationale de la Tapisserie et de l'art tissé s'est fait jour à Aubusson et il va développer des actions ciblées vers ce patrimoine en relançant la transmission du savoir-faire multiséculaire et le souffle d'une création renouvelée par l'appel à projet de tapisseries contemporaines. Je cite le site de l'Unesco " La production de tapisseries à Aubusson et à Felletin fait vivre trois petites entreprises et une dizaine d’artisans lissiers indépendants, suscitant une activité induite significative (production de laine et filature, commerce, produits dérivés, musée, expositions et tourisme)." C'est bien le début d'un renouveau ! Et nous allions faire un tour à Aubusson ??


3 commentaires:

  1. Passionnant ! Ce que dit madame Enard et que tu reprends est tout à fait vrai. La vie n'est faite que de modes qui se démodent et nul doute que la tapisserie reviendra un jour à l'honneur.
    Quand ? On ne peut le savoir...
    En tout cas, le savoir-faire de madame Enard est remarquable et j'admire ces petites mains qui ont la patience et l'art de réaliser de si belles choses.

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    1. Et en plus, ce sont vraiment des compétences et des savoir-faire qu'on a envie de voir survivre !!!

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  2. La mode est un éternel recommencement
    Coco Chanel disait "La mode se démode le style jamais "
    Il est vrai que la tapisserie est un peu délaissée ´certaines de Lurçat ne sont pas adjugées lors de ventes aux enchères ,alors qu'il y a trente ans on se les arrachait

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