J'ai reçu, il y a quelques jours, un "prière d'insérer" de la part de Monique Léglise, la lectrice que j'ai "rencontrée" à la suite de mes articles sur Colette Enard, peintre et créatrice de cartons de tapisseries. Elle est allée la voir de nouveau et nous livre cette petite interview dans laquelle Madame Enard parle de sa deuxième passion, la tapisserie. Je vous rappelle que madame Enard est une très vieille dame, encore très enthousiaste qui, après avoir peint, a décidé d'abandonner les pinceaux pour l'aiguille : elle s'est mise à confectionner des cartons de tapisseries, qui ont été réalisées et s'est définitivement consacrée à cette activité.
Colette
ENARD
me prie de faire savoir à mes quelques lecteurs qu’elle ne court plus comme un
lapin et qu’en septembre-octobre, elle ne courait même plus comme une
tortue ! Pour cette raison et plusieurs autres d’ailleurs, elle n’a pu
décrocher le téléphone rapidement car il se trouve loin de sa chambre. Or il a
beaucoup sonné…
Ce
n’est pas grave puisque la vieillesse n’est pas une maladie. Mais je la vois
désolée et pour lui remonter le moral je vais aborder un sujet qui est une
grande nouvelle :
la
tapisserie à l’aiguille revient à AUBUSSON après un exil de 60 ans ! Qu’en
pensez-vous Colette ?
"Lorsque j'ai décidé de devenir
cartonnier de tapisserie en 1960. La tapisserie à l'aiguille avait été chassée
d'AUBUSSON depuis que les grandes manufactures de tissage s'étaient
débrouillées, après l'arrivée des grands cartonniers dans cette ville pendant la
guerre, pour que soient fermés tous les ateliers de tapisserie brodée. Il ne
restait donc pour la représenter que les petits modèles de grandes séries que
vendaient les mercières. Et il s'en vendait énormément parce que la tapisserie
était follement à la mode...
Mais ces petits modèles tirés à des
milliers d'exemplaires, indispensables aux loisirs de bien des dames et baptisés "ouvrages
de dames", n'avaient guère de prétentions artistiques.
C'est
pourquoi vous avez alors déclaré votre ambition de rénover la tapisserie à
l'aiguille ?
"Ambition présomptueuse parce que je n'avais
pas imaginé l'absolutisme d'une concurrence absurde. Les marchands et les experts
ne juraient que par la basse lice d'AUBUSSON. L'économie nouvelle était partout
dominée par les industriels. Picart le Doux qui a cru pouvoir lancer une petite
collection de modèles à l'aiguille, créés par de jeunes cartonniers, a vite
abandonné malgré le succès de son initiative. Quant à Lurçat, le livre où il a trop bien honoré l'aiguille
n'a jamais été réédité."
Néanmoins
vous avez touché un important public exigeant et raffiné, tant par vos œuvres
réalisées dans votre famille ou par vos brodeuses que par vos modèles à broder
en exemplaires rares.
"J'ai créé plus de 200 modèles
vendus souvent 6 fois ; mais les modèles
aiguilles réalisés chez moi sont presque tous à l'étranger… Notez que je n'ai
pas montré de rancune au tissage et j'ai commandé plusieurs modèles à AUBUSSON.
Je précise que pour cette technique, je dessinais différemment mais la
réalisation à l'aiguille, point par point, est plus lente et donc moins
avantageuse que le tissage. La crise monétaire des dernières années a eu raison
du dernier grand atelier de broderie. De mon côté, je n'ai trouvé personne de
valable pour prendre ma suite. Enfin, pour plusieurs raisons, trop longues à
exposer ici, la tapisserie n'est plus à la mode.
La mode est ce qui se démode mais c'est aussi ce qui
revient. Je ne serai plus là …"
Vos
œuvres seront là …
Que
va changer le retour de l'aiguille à AUBUSSON ? Rien probablement. Il ne s'agit
plus des anciens modèles du genre petits chats et chasses à courre mais
l'abstrait que l'on nous sert correspond
à notre époque.
Madame Léglise nous demande ce que nous pensons de tout cela. Qu'il me soit permis de commencer par mon propre commentaire ! Je sais, pour suivre les résultats des ventes publiques, qu'actuellement la cote des tapisseries est assez basse, révélant malheureusement une certaine désaffection pour cette forme d'expression artisitique. On pourrait presque se payer un Lurçat ou un Dom Robert (enfin je dis bien presque !!) tant leur prix sont doux par rapport à ce qu'ils étaient dans les années 60. Pourtant, ces grandes compositions ne manquent pas de charme, loin de là. Comme d'ailleurs celles de Madame Enard, digne représentante de cette lignée artistique. Elle a parfaitement raison en parlant de mode et pas doute, le genre est démodé ! Et si, en parlant, en le montrant, on le faisait redevenir à la mode !! Car là encore, elle parle d'or, ce qui s'est démodé revient souvent à la mode ! Tout n'est question que de temps, de patience et de qualité !! Après le rejet, le "ça fait vieux", le "c'est dépassé", le désuet reprend des couleurs et l'on extirpe, comme autant de découvertes inattendues, des œuvres qu'on avait remisées dans les greniers ! Et j'ai comme l'impression que le purgatoire des tapisseries a déjà été bien long, on devrait les "retrouver" bien vite !
L'inscription en septembre 2009 de la tapisserie d'Aubusson au Patrimoine culturel immatériel de 'Humanité par l'Unesco, ne peut qu’œuvrer à cette renaissance. Un renouveau se profile !! Un projet de Cité internationale de la Tapisserie et de l'art tissé s'est fait jour à Aubusson et il va développer des actions ciblées vers ce patrimoine en relançant la transmission du savoir-faire multiséculaire et le souffle d'une création renouvelée par l'appel à projet de tapisseries contemporaines. Je cite le site de l'Unesco " La production de tapisseries à Aubusson et à Felletin fait vivre trois petites entreprises et une dizaine d’artisans lissiers indépendants, suscitant une activité induite significative (production de laine et filature, commerce, produits dérivés, musée, expositions et tourisme)." C'est bien le début d'un renouveau ! Et nous allions faire un tour à Aubusson ??
L'inscription en septembre 2009 de la tapisserie d'Aubusson au Patrimoine culturel immatériel de 'Humanité par l'Unesco, ne peut qu’œuvrer à cette renaissance. Un renouveau se profile !! Un projet de Cité internationale de la Tapisserie et de l'art tissé s'est fait jour à Aubusson et il va développer des actions ciblées vers ce patrimoine en relançant la transmission du savoir-faire multiséculaire et le souffle d'une création renouvelée par l'appel à projet de tapisseries contemporaines. Je cite le site de l'Unesco " La production de tapisseries à Aubusson et à Felletin fait vivre trois petites entreprises et une dizaine d’artisans lissiers indépendants, suscitant une activité induite significative (production de laine et filature, commerce, produits dérivés, musée, expositions et tourisme)." C'est bien le début d'un renouveau ! Et nous allions faire un tour à Aubusson ??
Passionnant ! Ce que dit madame Enard et que tu reprends est tout à fait vrai. La vie n'est faite que de modes qui se démodent et nul doute que la tapisserie reviendra un jour à l'honneur.
RépondreSupprimerQuand ? On ne peut le savoir...
En tout cas, le savoir-faire de madame Enard est remarquable et j'admire ces petites mains qui ont la patience et l'art de réaliser de si belles choses.
Et en plus, ce sont vraiment des compétences et des savoir-faire qu'on a envie de voir survivre !!!
SupprimerLa mode est un éternel recommencement
RépondreSupprimerCoco Chanel disait "La mode se démode le style jamais "
Il est vrai que la tapisserie est un peu délaissée ´certaines de Lurçat ne sont pas adjugées lors de ventes aux enchères ,alors qu'il y a trente ans on se les arrachait