COSTUMES DE SCENE

Les artistes, et non des moindres, s'y sont essayé ! Foujita par exemple, ou encore Picasso et Chagall. Les couturiers, et c'est normal, s'y sont frottés, Dior ou Christian Lacroix entre autres. Mais finalement, le costume de scène, c'est un métier à part entière. Témoin Pascale Bordet dont j'ai offert à Koka les "Cahiers secrets d'une costumière de théâtre"*. 

Connaissant le goût de ma fille pour le théâtre, j'ai pensé que les dessous du costume la passionneraient et, je l'avoue, j'ai craqué pour ce bouquin précieux**, qui mêle avec art aquarelles, croquis, tissus et photos pour dévoiler la face préparatoire de la magie qui nous prend, en tant que spectateurs, devant les débauches d'étoffes et de strass qui sont, souvent, partie intégrante du décor. 

Pascale Bordet définit ainsi son métier : "Ce métier s’exerce par intuition, une spéciale alchimie de gestes, de paroles, de couleurs, de ressentis. Infirmière des âmes, régisseuse des sentiments, diplomate, servante ou gouvernante, économe, magicienne, jardinière des corps, psychanalyste, quelquefois cuisinière ou docteur. Que se passe - t-il derrière le rideau ? Il y a un monde mystérieux au théâtre." Or, souvent, le costume, c'est le personnage : nous sommes, au théâtre, dans un monde de fiction qui se plie au paraître. De la réussite de la vêture, dépend la crédibilité du personnage, et son bien-être aussi. Il faut qu'il soit bien dans sa peau pour que nous adhérions à son jeu.

Oh, certes, me direz-vous, le costume est souvent réduit à sa plus simple expression, au théâtre comme dans les films, puisqu'on y est de plus en plus souvent en tenue contemporaine. Mais ne vous y fiez pas, même la gestion du costume de scène est affaire compliquée : j'ai, sur ebay, un fournisseur d'un genre un peu particulier...

"Je pars en décembre à Tahiti pour le 1er Festival du Film d'Amour ! Tout un programme !!! Mais j'y vais avec la belle Bellucci, si elle ne se décommande pas d'ici là et si son mari, jaloux comme un pou (j'ai jamais compris pourquoi les poux étaient plus jaloux que quiconque), voyant d'un mauvais oeil sa très jolie femme partir avec un bonhomme aussi intelligent, beau, etc... (voir la définition du milliardaire qui conviendrait à Marie*** et en retrancher les milliards) que moi. Et aussi modeste aussi (je n'ai rien à envier aux Romains sur ce plan là)".

Il assure toute la logistique "fringues" de certains films et m'a souvent, au hasard d'une commande et d'un mail échangé, expliqué combien l'affaire peut-être compliquée. Surtout à cause des caprices des stars qui est chargé d'habiller. Ou simplement de rassurer, comme il l'explique fort aimablement dans ce mail "Ainsi à Cannes où on était tous sur le pont à habiller les kyrielles de ceux et celles qui n'avaient rien à se mettre pour monter les marches ! Les actrices, surtout elles, on tendance à "oublier" leurs valises chez elles et comme on est  là, elles se disent qu'après tout a quoi ça sert de s'enquiquiner alors qu’elles vont trouver sur place (quelquefois) mieux que ce qu'elles ont dans leurs placards. En ce qui concerne Charlotte Gainsbourg, ses placards contenant principalement des T shirts et des jeans... on a fourni le reste sur place ! 

Un Festival un peu particulier et bien morose cette année. Crise oblige.  Il y avait un film en compétition officielle sur lequel nous avons travaillé, 1 film de la quinzaine, 1 de la sélection "Un certain regard" et deux films hors compétition ; celui de Marina de Van avec Marceau et Bellucci et le "Cendres et Sang" de Fanny Ardant. Nous étions aussi sur la " Vie héroïque de Gainsbourg" par Joann Sfar mais là ça c'est très très mal passé. J'imagine que vous savez que l'actrice anglaise Lucy Gordon qui a le rôle de Jane Birkin dans le film s'est suicidée le matin même de la projection officielle. Inutile de vous dire l'ambiance !".

Sachant qu'il avait travaillé avec Almodovar, dont les crises et foucades sont, sur un tournage, assez croquignolettes, fantaisie, bouillonnement d'idées, excentricités, épuisant mais stimulant, je le plaisantais sur les tabliers de  ménagère qu'il avait dû acheter à la pelle pour Volver et qui étaient forcément invendables.

"Le dernier Almodovar est un petit bijou sur lequel nous n'avons pas travaillé, hélas... Nous avons été contactés trop tard et nous étions tous pris par d'autres projets. Par contre nous avons en partie  travaillé sur "les Herbes Folles" de Resnais. Un bien joli film un peu curieux. Mais, bon, c'est Resnais !"

Car le métier de ce monsieur, métier dont j'ignore finalement le nom, est d'être sur le tournage et de fournir en temps et heure, les vêtements nécessaires aux différentes scènes. Et c'est compliqué croyez-moi ! il faut la taille qui convient à la vedette (et elles sont souvent bizarrement fichues ces icônes de la beauté), la matière qu'elle supporte, le confort qu'elle exige, la forme qui ne la grossit pas, la couleur qui correspond à son teint et au goût du metteur en scène... bref, il y a de nombreux ratés et crises de nerfs. Pensez à l'épreuve de la cabine d'essayage, on sort toujours de là déprimée !! Alors, forcément, parfois, il doit avoir prévu 6 parkas pour un gabarit hors normes (ils le sont tous !!), parkas qui ne plaisent pas, et il se précipite chez le faiseur de luxe du coin ou au Prisunic local pour en trouver une 7ème, qu'il devra reprendre de tous côtés. Bref, cela lui laisse des tas de fringues non utilisées, ou portées simplement pour une scène de film, neuves, parfois fort belles et qu'il revend sur ebay plutôt que de les donner à Emmaüs où elles étaient mal accueillies ! Trop luxueuses ou franchement inutiles aux clients de l'association ! On trouve dans sa boutique virtuelle, au gré des films enregistrés, des vêtements de toute beauté, griffés, élégants (il a du goût), de qualité et à des prix défiant toute concurrence. Parfois on rit (que des 48/50, là il a tourné avec Deneuve !!), mais on y fait des affaires étonnantes ! Et l'on ne regarde plus les films de la même manière après avoir échangé avec cet accessoiriste d'un genre un peu particulier !

Mais que lui prend-il à Michelaise de nous raconter ses cadeaux à sa fille et ses achats sur ebay ? Simplement quelques photos glanées à l'Opéra Garnier, alors qu'on était en train d'y installer l'exposition de costumes de scène qui remplace la précédente (l’Étoffe de la Modernité), une envolée de soieries, de damas, de dentelles et de velours, que j'ai admirée lors de notre matinée à l'Opéra pour Cenerentola !

 Il y avait des grilles devant certains costumes et des vitres devant les autres, ce qui explique l'aspect flouté de certaines photos ! (et le reflet de la photographe, fort mal sapée à côté de ces tenues princières !)

NOTES
* J'ai mis, comme un clin d’œil, un lien vers le blog d'Eimelle !! Mais d'autres liens sont possibles, là, ou là ou encore là
** J'espère qu'elle me le prêtera un jour car je me suis contentée de le feuilleter avant de le lui offrir ! Et ne peux donc en parler en détail ... voir les liens ci-dessus.
*** Nous avions parlé de Marie un peu plus haut, et elle vivait à Rome en ce temps-là !