mardi 20 mai 2014

LAURANA A LA MAJOR

L'autel de Laurana à la Vieille Major

Marseille, encore. Nous avions mis dans nos plans, entre deux agapes, d'aller enfin voir le retable de Laurana qu'était censée abriter la Major. Laurana, je vous en ai déjà parlé plusieurs fois : découvert en Sicile, où nous apprîmes qu'il avait fini ces jours en Avignon, nous avons débusqué sans souci dans cette ville le retable du portement de croix... mais il restait à admirer celui de la cathédrale marseillaise. Quoi de plus simple ? Nous entrons dans le vaste et pompeux vaisseau XIXème qui jouxte le nouveau quartier du MUCEM, et commençons à fouiner : un retable en marbre, cela doit se voir tout de même. Mais tourne, vire, cherche : rien ! Sauf que nous finissons par attirer l'attention de la gardienne qui, gentiment, s'approche de nous et s'enquiert de savoir ce que nous cherchons.
- Un retable de Laurana ? Non, je n'ai pas ça !!
Admirez au passage combien cette adorable jeune femme prend "sa" cathédrale au sérieux "je" n'ai pas ça, dit-elle. Elle ajoute d'ailleurs :
- J'ai aussi eu des gens qui cherchaient un Della Robbia, et il est en restauration.

Le Della Robbia de la Vieille Major

Un Della Robbia à la Major, beau en plus ! (1) ? Décidément, cette vilaine église cache bien des trésors... à ceci près qu'ils ne sont pas là ! D'ailleurs, une recherche plus attentive sur internet nous a appris que le Laurana était, pour un temps qui promet d'être long, en restauration, car le marbre se desquame. Installé dans l'abside de la Vielle Major (où nous n'aurions d'ailleurs pas pu le voir car celle-ci est fermée), il était exposé à l'air marin, et le sel a fait son oeuvre destructrice : il faut donc le nettoyer, le débarrasser des cristallisations salines (on en fait carrément tremper certains morceaux et on applique sur les autres des compresses d'argile pour "pomper" le sel !) et ensuite, le consolider : cela prendra sans doute encore pas mal de temps, et ensuite, il sera vraisemblablement transporté pour exposition au musée. Ce qui sera à la fois plus adapté pour son état de conservation et pour sa sécurité.


Car la sécurité de la Major, si l'on en croit l'accorte gardienne avec laquelle, à défaut de Laurana, nous avons passé un long moment, haut en couleurs, ce n'est pas de la tarte. Elle nous racontait comment, chaque soir, elle met environ une heure pour faire la fermeture tant il lui faut vérifier coins et recoins, derrière les autels, dans les confessionnaux (même sur le dessus), sous les tables... l'imagination de ceux qui veulent s'y faire enfermer, pour dormir, voler ou dégrader étant sans borne. Et même durant la journée, elle doit être sans cesse à l'affût : pas moyen d'installer une nappe d'autel pour une messe un peu trop à l'avance, sans qu'elle soit chipée dans le quart d'heure qui suit. Même si la nappe en question n'est qu'un modeste morceau de coton blanc, y a pas de petit profit. Elle nous expliquait aussi l'insécurité qui découle de cette ambiance : car les chapardeurs sont vite violents, et quand elle intervient, ils ont la menace facile. C'est ainsi qu'enceinte de 8 mois, elle fut bousculée par un cambrioleur à la petite semaine qui n'hésita pas à l'envoyer au tapis. Sa tête porta contre une marche et elle se retrouva blessée, demandant toute sanguinolente une aide que personne n'osa lui apporter, et appelant à la rescousse la maréchaussée proche (juste derrière l'église) qui lui décréta sans rougir qu'ils ne sortaient pas de leur commissariat. Ils allaient lui envoyer une patrouille, qui, bien sûr, n'arriva jamais. Il fallut qu'elle aille seule aux urgences où on lui apprit que son bébé n'avait été sauvé que grâce à l'instinct qui lui avait fait protéger son ventre lors de sa chute.


Pas facile le travail de gardienne à Marseille. Pas simple non plus de vivre dans un quartier pourtant protégé par un hôtel de police (qui s'appelle l’Évêché, c'est vous dire s'il est proche de la cathédrale). Elle nous a raconté les nuits blanches à cause des joueurs amateurs de foot qui lui envoient impunément le ballon dans les fenêtres sans que quiconque n'ose aller leur dire de se calmer. Mais le pire, pour elle, fut l'aventure advenu à son gamin de 8 ou 9 ans, victime des petits voyous de sa classe et qui, n'osant pas confier ses peines à sa maman pour éviter de l'inquiéter, avait décidé de résoudre tout seul son problème. Il pensait qu'en grossissant, il prendrait l'ascendant sur ceux qui lui faisaient des misères, et la maman inquiète a vu, durant toute une année scolaire l'enfant se gaver, enfler, prendre du poids malgré ses mises en garde. Ce n'est qu'à l'occasion d'une bagarre mémorable que le gamin avoua les sévices dont il était l'objet et son plan enfantin pour s'en sortir tout seul. C'était à la fin de l'année, il n'y eut plus qu'à le changer d'école, ce qui suppose des trajets en voiture que les parents font avec joie, mais il fallut aussi lui faire consulter un psychiatre pour surmonter l'épreuve et enfin entamer un long régime pour reperdre les kilos sauvagement engrangés. L'enfant a maintenant 11 ans, et, remarque malicieusement sa mère, "il est amoureux, donc il a envie de maigrir pour plaire à sa belle" ! Ouf !!
Une visite "sociologique" qui valait bien un Laurana : l'entretien avec cette charmante jeune femme, française mais née au Liban, et qui a épousé un normand (mais que diable font-ils dans cette galère) valait largement le détour !

(1) Il y a un aussi à Notre Dame de la Garde, mais c'est une "école de..." 

6 commentaires:

  1. bonjour
    j'aime beaucoup l'autel et le Della Robbia mais je vous contacte pour autre chose. Je ne connais pas beaucoup d'italiénisants donc c'est à cette qualité que je vous demande conseil:
    nous partons en Sardaigne et je cherche des livres à lire (si possible sur liseuse électronique parce qu'Easyjet a limité mes bagages.
    Deuxièmement, avec ma liseuse je lis en VO en !Anglais, et j'aimerais essayer en Italien(il y a un dictionnaire intégré qui facilite les choses). Connaissez vous un ouvrage facile pour commencer et qui aurait un rapport avec la Sardaigne?

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    1. Miriam, envoyez moi un message sur ma boîte mail, je pourrai mieux vous répondre !!! vous trouverez mon mail tout à fait en bas, cliquez sur michelaise !! faites le vite car je ne pourrai répondre que ce soir et demain !...

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  2. Charmante chronique de la dégradation intellectuelle et morale de ce siècle naissant ? Mais Marseille n’a-t-elle jamais été une ville « d’enfants de chœur » …
    Et puis comment l’Eglise peut-elle laisser une femme enceinte de huit mois gérer seule la fermeture, la surveillance d’une cathédrale ? (et même une femme tout court)
    à vrai dire je pense que tout le monde s’en fout…
    Où va le monde …

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    1. Ah MrPhilff, les femmes enceintes, toutes et partout, travaillent jusqu'à 4 semaines avant l'accouchement !! Quant à surveiller une cathédrale, en principe c'est un travail calme ... moi, par exemple, quand je vais dans une église, j'ai tendance à laisser mon sac sur un banc pendant que je prends des photos... très mauvaise idée, je vous l'accorde, mais a priori normale non ??
      Bon, j'ai soumis mon article à pré-lecture par Alter Ego pour m'assurer qu'il était "politiquement correct" !! J'espère ne pas vous avoir choqué par ces confidences livrées avec une telle confiance par la gardienne de la Major, c'était vraiment son quotidien qu'elle racontait, avec le sourire, beaucoup d'humour et aucune accrimonie.

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  3. Bonjour Michelaise. Je suis complètement effarée par ce que la jeune gardienne de cette église a subi et par la scandaleuse attitude de la police qui n'a pas répondu à son appel de détresse. D'autre part, si elle est seule gardienne, je me demande comment on peut imposer à une seule et unique personne la surveillance d'un tel bâtiment. Ce n'est vraiment pas raisonnable. Comment peut-elle éviter que quelqu'un entre juste après qu'elle a inspecté une partie de l'édifice....???
    Je n'aimerais pas être à sa place !
    Quant à ce que son fils a subi, c'est vraiment dramatique. Heureusement que ses parents se sont inquiétés et qu'il savait qu'il pouvait leur parler. Combien d 'enfants subissent des brimades sans jamais oser se confier à des adultes. C'est assez désespérant...

    En ce qui concerne ce que tu dis à propos de la sculpture de Laurana, j'ai appris beaucoup de choses. je croyais le marbre inaltérable et ignorais que le sel pouvait l'attaquer de cette façon...
    Merci pour ces infos intéressantes et bonne soirée à toi

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    1. Je crois qu'elle a de l'aide, mais je redis ce que je disais à Philff : une église, tout de même, ce n'est pas incroyable qu'il n'y ait qu'une gardienne... normalement cela ne se garde pas les églises ??
      Moi aussi je croyais le marbre, sinon inaltérable, du moins solide... mais l'air marin est terrrrrible !! On en sait quelque chose !!!
      Ce qui m'a le plus étonnée c'est la technique finalement très simple pour désaliniser : faire tremper dans l'eau !!
      Bonne soirée à toi

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