Autoportrait au globe
Le Cloître de Bramante consacre jusqu'au 22 février prochain une grande rétrospective consacrée à l'artiste, graveur et graphique des Pays-Bas, qui a développé une dimension conceptuelle et visuelle unique du langage artistique. Une exposition inhabituelle, fort didactique et très courue par les romains !
Plus de 150 œuvres sont présentées à cette manifestation, dont ses chefs-d'œuvre les plus célèbres, tels que La main tenant un miroir sphérique (Fondation MC Escher) Jour et nuit (Collection Giudiceandrea), Un autre monde (Giudiceandrea Collection), Chambre des escaliers (relativité) (Collection Giudiceandrea). Maniant le jeu et la magie, la tromperie et l'illusion, Escher nous donne à observer la nature d'une manière inhabituelle, avec un point de vue différent, afin de faire ressortir la beauté et la régularité géométrique qu'elle porte en filigrane. C'est lors d'un voyage en Italie, en 1922 (il avait 24 ans) que se manifeste chez l'artiste l'attrait pour le merveilleux et l'inhabituel. C'est de l'admiration et de l'étonnement qu'il éprouve pour la beauté de la Toscane, de la région de Sienne, puis pour la Calabre et pour les pentes abruptes des montagnes, pour l'aspect quasi-anthropomorphique du Pentedattilo, que nait ce besoin de transformer les paysages, puis les lieux, les bâtiments qui caractérise fortement son oeuvre.
Castrovalva, 1929. Un paysage qui semble s'étendre à l'infini. C'est l'une des plus belles oeuvres de jeunesse de l'artiste. "Pendant presque toute une journée je suis resté à dessiner sur cet étroit sentier de montagne. Au-dessus de moi il y avait une école et j'écoutais avec plaisir les voix limpides des enfants chantant des chansons."
"Escher se sent chez lui en Italie. Chaque printemps, il entreprend un voyage : les Abruzzes, la Campagne romaine, la Calabre, la Sicile, la Corse et Malte. Il part généralement avec d'autres artistes qu'il a connus à Rome." (1) Il retourne régulièrement en Italie les années suivantes, remplissant ses cartons de dessins de paysages vus sous des perspectives inhabituelles, ou de minuscules bêtes et plantes observées à la loupe. Son voyage en Espagne, sa visite de l'Alhambra dont les détails décoratifs complexes, basés sur des formules mathématiques et présentant des motifs répétitifs emboîtés sculptés dans la pierre des murs et des plafonds, ont aussi une profonde influence sur ses travaux.
Ces lieux méditerranéens, si différents de la monotonie de son Pays-Bas natal, très "horizontal", le fascinent par leurs espaces aux formes géométriques, terrain fertile pour les jeux de réflexion où son imagination se met, dès lors, à régner en maître. Il s'installe à Rome assez rapidement mais doit quitter la ville en 1935 quand le climat politique italien mussolinien devient insoutenable : opposé au fanatisme et à l'hypocrisie, il décide d'abandonner l'Italie quand son fils aîné, âgé de 9 ans, est contraint de porter un uniforme des Balilla à l'école. C'est trop pour lui, et il se réfugie en Suisse, où il ne se plait guère. Il n'y reste que deux ans, et en 1937 part pour Ixelles.
Les critiques - et les organisateurs de l'exposition ont pris cette option - s'accordent à répartir les travaux d'Escher en deux parties : ceux réalisés avant 1937, et ceux produits à partir de son départ de Suisse, quand il commença à donner plus librement cours à l'expression de son imagination.
Le premier groupe, fondateur pour son goût et son évolution, correspond à la période passée en Italie et en Suisse où il reproduit paysages et architecture en détail, selon un mode d'observation très personnel. Ce voyage en Italie est pour lui une véritable révélation et comme une découverte de soi. Jusqu’en 1935, il parcourt le pays, s’y marie avec Jetta Umiker et produit des centaines et des centaines, de croquis, gravures, lithographies et ses premières oeuvres marquantes. Intégrant rapidement dans ses vues des univers complexes, Escher devient le maître de la structure de l’espace, des interpénétrations de mondes et des représentations de l’infini. On y voit apparaître dans ces vues l'utilisation du contour double, délimitant des figures fonctionnant dans deux directions. Il travaille aussi sur la perspective curviligne qu'il appelle perspective cylindrique et qui sera décisive pour la suite de son travail. Ses réalisations sont déjà porteuses d'interrogations, de méditation et de messages, mais de façon discrète, presque suggérée.
Après 1937, Escher s'intéresse moins au monde réel et commence à modifier imperceptiblement, puis de façon plus nette, les aspects de l'espace et à faire, de plus en plus, un usage fréquent des doubles contours. Plusieurs périodes se succèdent, assez clairement identifiables :
de 1937 à 1945, c'est la période des métamorphoses. Les métamorphoses s'inscrivent souvent dans les recherches d'Escher sur le remplissage périodique du plan, mais aussi dans la réalisation plane de représentations tridimensionnelles. Les boucles font partie de cette période.
de 1946 à 1956, c'est la période de la perspective. Escher s'intéresse pendant cette période à la représentation des perspectives classiques, mais aussi à celles représentant un champ de vision le plus large possible. Il aboutit, comme Léonard de Vinci, à la théorie de la perspective courbe dans les trois directions de l'espace (horizon, zénith et nadir).
Enfin de 1956 à 1970 : la période des approches de l'infini. Les approches vers les limites de l'infiniment petit, celles conduisant vers l'infiniment grand ont donné des estampes remarquables. Lorsqu'il meurt, en 1972, Escher a, de son propre avis, atteint ses limites de perspicacité et de possibilités d'expression.
Le parcours de l'exposition suit à la lettre le regard de l'artiste, partant de l'observation "décalée" des merveilles de la nature (la première salle consacrée à son voyage en Italie est superbe et émouvante, dessins, gravures, carnets de voyage, photos aussi), passant par son admiration et le rendu très particulier des petites choses, des pissenlits aux scarabées, des feuilles aux sauterelles, aux lézards, puis aux cristaux qu'il observait comme autant d'architectures naturelles, pour finir sur ses architectures impossibles.
Serpents, la dernière oeuvre d'Escher
Le parcours, dès lors, insiste plus sur le statut d'intellectuel du personnage, et raconte sa vision de la compénétration de mondes simultanés, son passage continuel entre le bi et le tridimensionnel et ses recherches sur la perception. Des oeuvres d'autres artistes, Duchamp, Giorgio de Chirico, Giacomo Balla, Luca Maria Patella émaillent le parcours afin de mieux faire comprendre son influence sur le monde artistique de son temps.
(1) dans Le Miroir Magique de M.C. Escher, par Bruno Ernst (Editions Taco, 1986)
Photos autorisées dans certaines salles de l'exposition
Montages réalisés avec des images du web
Sources : Greensleeves to a ground
Le site officiel de Escher
Bienvenue dans le monde étrange de M.Escher
Le site de l'exposition au cloître de Bramante
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