mercredi 10 décembre 2014

TIEPOLO : LES COULEURS DU DESSIN AUX MUSÉES CAPITOLINS


Les musées du Capitole présentent, jusqu'au 18 janvier 2015, une exposition modeste mais de très belle qualité consacrée aux dessins des Tiepolo, père et fils.
Peu d'artistes ont dessiné autant que Tiepolo, et il nous a laissé des milliers de croquis, enlevés, traités dans un vocabulaire d'une éblouissante simplicité, révélant une sorte d'urgence créative enrichie par une inventivité et une aisance remarquables. Il en résulte une oeuvre joyeuse, ferme et déclinant sans cesse de nouvelles idées, reprise par ceux de son atelier et surtout par ses deux fils, Giandomenico et Lorenzo, eux aussi fort talentueux.
La sensibilité pour la lumière qu'on remarque dans ses peintures, et qui fait leur intérêt majeur, se retrouve dans son oeuvre graphique, où transparence et jeux d'ombres dominent en maître. Sa liberté d'interprétation, sa souplesse de trait proviennent, on ne peut en douter, de cette science parfaite du dessin que l'exposition montre avec brio.


La première section, intitulée "Idée, projet, composition : les paradigmes de la figure" s'intéresse à cette science narrative de l'artiste, et montre combien ses dessins sont des œuvres à part entière. Fixation des premières idées, recherche d'une solution originale de mise en scène, tout est prétexte à donner vie à des sujets religieux ou intimes avec une inépuisable fécondité.


Caricatures et exotisme : les caractères de l'ironie montre comment le peintre et ses fils, pour s'échapper des schémas obligés de la société de l'époque, savent d'un trait de plume ou d'une zébrure crayonnée, donner relief et originalité au moindre sujet, en insistant sur son côté théâtral ou bouffon. N'oublions que nous sommes à Venise, au XVIIIe siècle et que Goldoni n'est pas loin !! L'étranger, le difforme, l'étonnant ou le ridicule sont croqués avec ce qu'il faut d'intelligence pour faire naître le sourire, jamais la raillerie.


Visions d'Arcadie : paysage, nature et mythe insiste sur cet élément indispensable à toute composition bien organisée : la campagne qui, chez Tiepolo, devient une protagoniste à part entière de la mise en espace. Tout y est traité avec légèreté mais rigueur : plantes, animaux, lointains sont autant de prétextes pour montrer sa virtuosité, et faire jouer la lumière sur la scène du premier plan, religieuse ou mythologique.


À l'antique : décoration et dessin rappelle combien la connaissance des schémas traditionnels était importante pour réussir dans le domaine de l'art. Mais l'antique de Tiepolo est un antique "vu de loin", qui se joue des normes pour entrer dans le quotidien. C'est à la fois une réinterprétation et une appropriation des reliefs classiques, des grotesques et autres catalogues de formes consacrées, qui se trouvent ainsi intégrées dans l'ambiance du XVIIIe avec un naturel confondant.

Giambattista Tiepolo : Tentation de Saint Antoine. Du paysage de droite, en passant par l'admirable portrait du Saint qui tente de cacher avec un épais grimoire la vision par trop alléchante d'une Vénus guidée par un diable prévenant, tout est le fruit d'une remarquable inventivité. La composition, les ombres, les couleurs sont au service d'un sujet qui, grâce à la palette chatoyante du maître, n'est ni scabreux, ni prêchi-prêcha.

Le dynamisme audacieux des compositions, la fluidité du traitement, l'élégance de la lumière atmosphérique qui est traitée comme un véritable protagoniste du tableau, sont autant de traits caractéristiques de l'artiste, qui ne sont pas dus au hasard. Mais bien à un incessant travail préparatoire, dont ces dessins sont les témoins passionnants.

Giandomenico Tiepolo : Abraham visité par trois anges : le fils a de qui tenir !! C'est lumière contre lumière : les teintes soyeuses des vêtements, les lueurs du ciel, la richesse chromatique des tissus contribuent à faire de ce sujet difficile une prouesse de mouvement et d'espérance.

Au final, visiter une exposition Tiepolo c'est s'assurer un moment de sérénité, de joie et d'admiration, tant toutes ses œuvres, même les plus modestes, sont enlevées et claires, toujours d'une lisibilité sans aspérité et, surtout, traitées avec une sensibilité qui ôte toute raideur aux scènes conventionnelles qu'elles représentent. 

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Photographies interdites dans l'exposition : mes illustrations proviennent du site du musée de Capitole et du musée Sartorio de Trieste qui a prêté de nombreux dessins pour cette manifestation. Merci Siu de m'avoir indiqué ce détail !!

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