RAMUNTCHO

Nous avions récupéré lors de notre virée à l'île d'Aix le programme de "Musiques au pays de Pierre Loti" et, intrigués par le dernier concert, nous nous sommes propulsés un jour de forte concentration touristique jusqu'à Saint Pierre d'Oléron pour entendre Julien Masmondet et son orchestre Rocca Fortis jouer la mise en musique par Gabriel Pierné de Ramuntcho de Pierre Loti.

D'accord, je suis ignare : je n'avais jamais entendu parlé de ce brave Pierné. Sauf peut-être comme chef d'orchestre. Mais j'ai pris la peine de relire Ramuntcho cette semaine. J'avais lu cela à 16 ans et n'en conservais aucun souvenir. De fait, c'est admirablement bien écrit, mais terriblement travaillé et un peu affecté comme style. Quant à l'histoire du jeune basque qui perd sa bien aimée, mise au couvent de force par sa mère qui refuse que la jeune fille se mésallie avec un enfant naturel, vous imaginez si elle est ringarde et démodée. Les thèmes moraux y sont traités avec emphase et une certaine condescendance, qui à l'époque où cela fut écrit, tenait plus du paternalisme que d'un réel mépris.
Nous allions donc à ce concert par curiosité, pas vraiment convaincus de ce que nous allions découvrir. Et ce fut une réelle bonne surprise : non seulement Masmondet et son orchestre constituent un ensemble de très belle qualité, précis, raffiné, mais la programmation était parfaite. La musique de Pierné est belle, à la hauteur de certains opéras bien plus connus. Elle est descriptive et fort adaptée au texte de Loti. Grand Prix de Rome en 1882 à 19 ans, Pierné était un compositeur de première valeur qui n'avait le temps d'écrire, à cause de son activité d'interprète, que pendant les quelques mois de l'été, lors de ses vacances près de Morlaix.
L'interprétation par l'ensemble de Masmondet était délicate et inspirée. Il rendait avec une grande sensibilité le caractère palpitant de cette œuvre qui mériterait d'être plus souvent jouée.
Quant au récitant, Didier Sandre, il a une voix chaude, veloutée, bien infléchie qui disait avec sensibilité ce texte pourtant peu porteur mais fort habilement coupé, et "ré-orchestré". Une soirée superbe, qui s'est terminée par un petit buffet plein de saucisson (on s'est éclaté !) fort bienvenu car nous n'avions pas dîné.

Pour l'hommage, si vous passez, les filles, par le quartier latin, sachez qu'un square Gabriel Pierné a été dédié à ce musicien, injustement méconnu en tant que compositeur car il fut trop célèbre en tant que chef d'orchestre de son vivant. Il est situé près de la Seine, à l'endroit à la rue Mazarine et la rue de Seine se rejoignent. Si vous passez par là, n'hésitez pas à le traverser en pensant à la triste histoire de ce malheureux Ramuntcho !