ANAGRAMMES ET PRENOMS

Autrefois les parents, sans trop se prendre la tête en états d'âme variés, baptisaient leurs enfants des noms de grands-parents, de l'un, de l'autre, avec préséances et traditions. Et le travail des généalogistes, confrontés à des hordes de Jeanne et de Pierre s'en trouve compliqué d'autant, car dans une telle ambiance, allez savoir qui était qui !

Puis, ce fut de mon temps, on commença à donner des prénoms à la mode, trouvant que Jeanne ou Madeleine étaient démodé, on nous donna du Catherine, Martine et autre Brigitte. Dès lors, le mouvement était lancé. Si vous allez sur L'internaute vérifier la fréqence de votre prénom, vous trouverez dans vos années de naissance un pic correspondant vraisemblablement à l'époque de vogue. Plus tard, on prit l'habitude de marquer les enfants au sceau des feuilletons télé, et moi qui n'ai jamais eu en mes murs cet instrument maléfique et vital (à en croire nos contemporains), je suis les modes télévisuelles par l'intermédiaire de mes étudiants qui m'alignent des prénoms incongrus (pour moi) à pleine classe, pour disparaitre quelques mois après. Les feuilletons sont volatiles ! On aime aussi rivaliser d'originalité, le bon saint classique, protecteur et calendaire ayant depuis longtemps perdu tout crédit. Un des premiers à se lancer dans l'original à tout crin, dont on parla en tout cas, fut Courèges qui baptisa au grand dam des chroniqueurs émoustillés de l'époque, sa fille Clafoutis (peut-être l'écrivit-il Clafoutie).

En pratique, le choix d'un prénom est un marqueur social intense, certains faisant dans l'original et l'outrance à tout crin, les autres choisissant par réaction Marie, Jeanne ou Pierre pour éviter l'excès.

Mes parents se contentèrent, ouf, de m'affubler en deuxième position du prénom de mon grand-père sous la forme de Josiane. Pour le premier prénom, n'ayant guère d'idée sur le sujet quand je naquis, ils firent paraît-il choisir mon prénom par mon grand frère. C'est ainsi que celui-ci, âgé de 12 ans et qui en pinçait pour une copine de classe dénommée Nicole, m'imposa ce prénom démodé qui me vieillit d'une bonne décennie. Et que j'ai, comme il se doit, toujours détesté.

Claudie Gallay, cruelle sans le savoir, m'a asséné le coup fatal dans les Déferlantes. Je cite : "Nicole, elle s'appelait la fille qui m'embrassait. C'est pas très joli comme prénom, Nicole, hein ?... Elle non plus elle n'était pas très jolie, c'est pour ça, le prénom lui allait bien"

Inversé, en anagramme, c'est déjà beaucoup plus supportable : Elocin a un petit côté médiéval qui me convient assez ! Mais depuis que Gérard m'a rebaptisée Agnès, l'affaire est entendue et je me sens une femme nouvelle !

PS ce billet est une dédicace à Enitram

re PS cette photo est la reproduction d'une photo de Paul Starosta, admirée à Avignon...