SCENE DE JALOUSIE ??

J’ai commencé, et j’ai pas eu envie de continuer.

Mon alter ego est resté, sagement, jusqu’à la fin je crois, ce n'est pas si souvent qu’une émission* est « autorisée » sur notre grand écran… je crois que je suis vaguement ( ??) tyrannique avec l’étrange lucarne ! Toujours en train de pester et de pratiquer une censure sauvage !

Bref, je n’ai pas tenu très longtemps et j’ai préféré aller lire « la vérité sur Marie », le roman de Jean-Philippe Toussaint qui, une fois n’est pas coutume, a presque fait l’unanimité l’autre soir sur le Masque et la Plume. Assez pour m’intriguer en tout cas !

Une écriture du réel, épaisse, apocalyptique parfois, qui brouille les pistes de la vie. Sensation dérangeante et superbe, mots usés jusqu’à la corde qui paraissent nouveaux, et un emboitement d’histoire décousues qui sont si intiment liées qu’on ne sait plus où on en est. Mais on la veut, cette vérité impalpable. C’est vraiment un étonnant récit qui prend le lecteur, et le porte, et le marque. On subit la chaleur écrasante des premières pages, comme une inéluctable fatalité. La scène d’anthologie du cheval égaré sur le tarmac est tellement prégnante qu’on sera presque sûr, d’ici quelques années, de l’avoir vue. Et tout cela s’imbrique comme une tragédie grecque, très moderne. Pas un pastiche, non, vraiment moderne. Bref un moment marquant.

Donc, je disais, je n’ai pas tenu le coup sur Venise. Et je me suis fait ma petite psychothérapie au passage. Pas envie de transformer mes souvenirs, mes impressions, si multiples, si personnelles, si immédiates, en bouillie commune. Je dois être jalouse et fort exclusive finalement. Même s’il y avait à découvrir, je préfère garder une approche un peu illusoire, comme si Venise m’avait livré des secrets que d’aucuns ignorent encore. L’impression que j’ai pu m’éloigner des sentiers balisés, que j’ai déniché des merveilles, remarqué des détails inédits… Cela compte dans le plaisir de la visite cette sensation de d’invention. On aime se sentir pionnier quand on voyage, et avec Venise, la racoleuse, c’est infiniment difficile de recréer cette sensation. On sait confusément qu’on est le milliardième à passer dans cette venelle, à s’extasier sur cette place, à soupirer dans cette ambiance. Mais tout le jeu consiste à tenter de se croire le premier, et l’unique élu(e) de cette catin magnifique.

Je lis pourtant régulièrement Tramezzinimag et j’adore les billets de Lorenzo, mais lui ce n’est pas pareil ! Je lui concède finalement une supériorité indéniable sur le cœur de la belle, il la connait, la pratique et la célèbre avec une telle sensibilité, qu’il a le droit et le devoir de nous la partager. Et ses états de route sont autant de merveilles à savourer quand on est loin !

Note * : il s'agissait, vous l'avez compris, du cursus des Racines et des Ailes consacré hier soir à la Sérénissime

PS mais non, je ne traite pas Lorenzo de mac !! Simplement pour moi, il est l’amoureux idéal, l’intemporel, le premier en quelque sorte et la pureté de ses sentiments lui donne la préséance ! D’autant qu’il est généreux et nous partage ses émotions !!!

Re PS : une autre dont j'aime toujours le regard vénitien, vrai comme un désir comme diraient Lorenzo et Musset, c'est Donna Leon dont l'approche sociologique et affective de la ville me comble. J'aimerais avoir l'oeil et le pas du commissaire Brunetti quand j'arpente les ponts et les calle.