mercredi 3 août 2011

LE RAGOUT DE LA COUTURIERE


C'est Ayako Tanaka, la violoniste émérite dont je vanterai les talents en son temps, qui a demandé à Lydia de prévoir une dégustation de ragout avant la fin de son séjour : il faut dire qu'Ayako est une fidèle de Musiciennes à Ouessant, elle était là dès le premier festival, et les spécialités oussantines, surtout culinaires, c'est son affaire ! Je me suis donc proposée pour aller en commander un "chez la couturière" : je n'ai pas pu m'empêcher de flamber un peu, j'avais vu cela le matin en me promenant dans le bourg de Lampaul, et acheter son ragout Chez Mary Jo Couture,  ça a un petit côté anachronique qui m'avait amusée ! J'ignorais alors que les guides "tendance" ne manquent pas de souligner la qualité du ragoût de Mary Jo, et de fait, j'en témoigne, il est vraiment fort bon, copieux et livré dans les temps ! Car un ragoût sous les mottes cela ne se fait pas réchauffer, on vous l'apporte juste au moment de le déguster. Et pas question de grignoter des petits amuse-gueules avant, c'est roboratif à souhait et il faut être totalement affamé pour en profiter à fond ! A voir les airs gourmands d'Ayako (à la louche, pas au violon) et de Miki Aoki, la pianiste, vous pouvez juger de leur état d'appétit quand la première a décidé, avec entrain, de nourrir son monde ! Avouez qu'elle est parfaite dans ce rôle...


Sur l'île d'Ouessant, peu ou presque pas d'arbres. Ici, même les charpentes des maisons provenaient le plus souvent d'épaves de navires échoués au hasard des tempêtes : alors vous imaginez qu'il n'était pas question de brûler les rares branches précieuses qui poussaient avec parcimonie sur l'ile. Pourtant il fallait bien se chauffer et surtout faire cuire les aliments. C'est ainsi que le fameux de ragoût de mouton cuisiné à partir des bas morceaux des bêtes élevés localement, est longuement mijoté dans des mottes d'herbes sèches, découpées sur la lande.  La viande provient d'une race particulière de tout petits ovins noirs, peu productive et peu prolifique, mais terriblement rustique, qui a prospéré sur l'île dès le 18ème siècle. En 1852, on recensait encore plus de 6 000 moutons sur l’île. Chaque famille possédait une ou deux bêtes qui vivaient parquées dans une parcelle close (afin de protéger les cultures). De septembre à février, les troupeaux évoluaient en liberté – chaque bête était marquée à l'oreille par des entailles. Au milieu du XXème, plus de 500 marques étaient encore enregistrées à la mairie. Mais à cette époque, le mouton noir commençait à disparaitre, au profit de moutons blancs, plus charnus et dont la laine, qui peut être teinte, était plus intéressante pour le tissage. Comme souvent, un groupe d'éleveurs a sauvé la race de l'extinction et aujourd'hui on en retrouve, au moins dans les fermes d'agrément.


Cependant, la disparition de la race n’a pas entraîné celle de la recette ancestrale qui lui était associée : le ragoût d’agneau d’Ouessant dans les mottes, préparé bien sûr avec des moutons normaux ! Il s'agit d'un ragoût traditionnel, un plat modeste confectionné à partir de poitrine, épaule et collier, auxquels on ajoute les légumes disponibles dans le potager. C'est son mode de cuisson qui fait tout son charme et sa rareté : pour suppléer le manque de bois, on utilise comme combustible les « mottes » extraites des pelouses littorales, prélevées à l’aide d’un instrument spécial, une sorte de bêche appelée la "maar". Cela permet une cuisson lente et très longue et confère à la préparation un parfum, un confit de la viande qui font sa réputation. La viande, préalablement revenue avec des oignons blondis est posée sur un lit de carottes, puis recouverte de pommes de terre. Ces dernières doivent impérativement être posées sur le dessus de la cocotte, non recouvertes de bouillon, afin de constituer une sorte de "croûte" dorée et imprégnée des fumets de cuisson. La cocotte, en fonte bien sûr, est ensuite enfouie sous un tas de mottes sèches où l'ensemble mijotera pendant au moins 4 heures. La viande est parfaitement fondante, les légumes enrichis des sucs de cuisson sont savoureux ,et l'énorme plat que vous voyez en début d'article a été avalé sans coup férir par une assemblée joyeuse de jeunes femmes menues, pas du tout inquiètes pour leur ligne !! Il ne restait pas une carotte dans la cocotte !

14 commentaires:

  1. Hum tu me donnes faim surtout en lisant ton billet à l'heure du déjeuner ! Un petit secret pour le ragout ou autre navarin d'agneau : quand tu as fait revenir les morceaux d'agneau tu mets un peu de sucre cristallisé que tu laisse caraméliser.... cette petite opération exacerbe les saveurs et donne une belle brillance à la sauce.
    Bon appétit, ici c'est régime après le départ des petits enfants !

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  2. Quelle chance de déguster un plat aussi succulent avec de charmantes jeunes femmes !!!!
    La musique d'accord mais la bonne cuisine aussi!!!!!

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  3. J'ai pu voir cette race de mouton à Chausey.
    Hélas je n'ai pas goûté au ragoût ,il doit bien exister son pendant.
    Cela me rappelle un Irish Stew dégusté en Irlande cuit à l'aide de tourbe.
    Et cela me rappelle surtout les pommes de terre de ma grand-mère mises dans une cocotte de fonte oubliée sur le coin de cuisinière à bois toute la journée,pommes de terre que l'on ne mangeait que le soir
    A part cela tu ne disais pas à Dominique hier que tu parlais rarement cuisine?

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  4. Bon RObert, je note, pour mon prochain agneau en cocotte, sans tourbe mais lutté au four ! faudra en faire un petit billet, la recette est savoureuse
    Enitram, le plus heureux, tu l'imagines, c'est Alter, toutes ces jolies femmes, il est hilare mon Alter...
    Aloïs, en fait c'est cela le secret, la marmite oubliée sur le coin de la cuisinière, je sens que si Roberto passe par là, il approuvera des deux papilles (hi, hi, on en a bien plus de deux !! mais lui, il a une vraie cuisinière à bois et une épouse qui s'en sert fidèlement). Quant aux billets culinaires, ça va ça vient, faut dire qu'ici à part la bouffe et le vin, heureusement qu'il y a les concerts car le temps est ... oups !! je passe !

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  5. PS Robert, j'avais choisi mon heure de publication car le ragoût sous les mottes à l'heure du p'tit déj, n'est-ce pas ??

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  6. Bravo à celle qui allonge le bras pour le service de quelque indispensable Bordeaux...
    J'adore les ragoûts et les jolies femmes. Me voici donc complètement frustré de ne point connaître cette maisonnée, ses mijotés et ses invitées (euh, si une...). Sourire toutes babines retroussées.

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  7. Miam ! comme on a mangé des courgettes hier, on peut bien manger des patates aujourd'hui, en plus avec le temps qu'il fait hmmmm...
    Je suis allée voir comment cuire ta cocotte. Impressionnant, ça m'épate que ça cuise comme ça si longtemps. Et en plein air, semble-t-il ?
    Là : http://www.hubert35.net/pages/Ouessant_Ecomusee_Niou_Huella-5242184.html
    On me dit qu'on utilise aussi des galettes de bouse de vache comme combustible... Ben didon :-0

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  8. J'ai repris la lecture de ton billet ce matin, au petit déjeuner, car hier soir, sur les coups de 19h00, c'en était insoutenable! Si tu veux mon avis chère Michelaise, cesse donc de nous parler de toutes ces bonnes choses car ton prochain voyage parisien risque d'être un enfer. Ne crains-tu pas qu'après les confitures de mirabelles, tes lecteurs te demandent de faire provision de quelques bocaux supplémentaires d'agneau rôti? Attention aux valises!!! Elles vont craquer!!!

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  9. Bonjour, Michelaise.

    De l'art et la manière de mélanger les genres...
    Un régal de simplicité.
    Merci beaucoup.
    Bonne journée.

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  10. Je comprends bien que le ragoût a eu un succès fou. Le plat semble vraiment appétissant et il ne manque à ton article que le bon fumet de la viande qui a mijoté avec les légumes.
    Il est trop tard pour te souhaiter un bon appétit mais je suis certaine qu'il a été évidemment très bon.
    PS : j'adore le petit agneau noir. Il est à croquer... Oh, non.... Ne pas le croquer : il est trop mignon... ;-)

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  11. Oh là là Roberto, tu as bien saisi "l'indispensable" bordeaux... quant au ragout, je suis certaine que tu l'aurais aimé !!
    J'avoue GF que tous ces délices sont, selon l'heure à laquelle on les aborde, parfois indigestes... mais comme je le disais à Robert, j'avais fait attention et publié mon billet à midi !!! oui oui...
    Lulu, vu la bruine ilienne, la patate est bienvenue... ça réchauffe et donne un peu de coeur au ventre pour affronter le crachin. Quant à la bouse de vache, ici c'est aussi luxueux que le bois, y a 10 vaches grand maximum sur l'île !
    Alors Oxy, on croque les agneaux maintenant ??? je te rassure, le ragoût était de mouton, enfin je crois... même si l'on ne mange plus guère de mouton de nos jours, lui préférant, on a vraiment des moeurs de barbares pas vrai, l'agneau justement. Et il ne restait pas une miette au fond de la marmite...

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  12. Même tôt le matin ça me donne faim tout ça
    encore qu'après réflexion je crois que je préfèrerais une petite balade moutonnière

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  13. Ah Dominique, je t'avoue que de bon matin, oups, ce serait un peu lourd... quant à la balade moutonnière, l'idée est fort jolie mais je ne peux m'empêcher de penser au sort d'Odile, notre hôtesse à Ouessant qui, lors d'une telle balade, a été chargée par un bélier et qui en a eu pour plus de 4 mois à s'en remettre... Alors on va opter pour une ballade moutonnière, forme musicale inédite mais dans le cadre du Festival des Musiciennes à Ouessant on n'en est pas à un inédit près ... !!

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  14. Mmmmmmmmm mince un p'tit agneau...
    Oh pi mince ;)

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