dimanche 2 octobre 2011

HAYDN DANS LE FLOU...


Si vous pratiquez la photo, en dilettante qui aime les couleurs et les formes et a envie parfois de garder un souvenir de l'instant qui l'émeut, vous avez déjà été confronté moultes fois au fatidique "c'est interdit de photographier".
On en use dans les musées, au motif que les oeuvres sont fragiles et que nos flashs vont les abîmer. On ajoute que les lumières cassent l'ambiance et troublent la contemplation des autres visiteurs. Tout cela est normal et sans contestation possible. Bien qu'aucune autre mesure ne soit prise pour protéger l'ambiance troublée par mille autres tourments, des enfants qui hurlent aux commentaires débiles assénés à voix haute par certains visiteurs trop sûrs d'eux. Et l'argument du flash n'explique guère pourquoi l'interdit s'applique aussi aux photos sans éclair. Protection de l'image d'oeuvres appartenant au domaine public ? Exposées pour que tous en profitent, on prétend que les fixer en pixels serait une gêne et une usurpation ... Cela entraverait la vente de catalogues, de produits dérivés ou de cartes postales... j'avoue n'avoir jamais acheté autant de catalogues, d'abord pour les photos de qualité qu'ils contiennent mais avant tout pour la qualité des textes et des recherches menées à l'occasion des expositions et autres événements artistiques, dont on ne perçoit l'importance qu'en lisant le cheminement de ceux qui les ont construites. Ce ne sont pas mes modestes "souvenirs" d'amateur qui concurrenceront jamais les oeuvres d'un photographe professionnel, débarrassé du rempart vitré qui fait des reflets, armé d'un pied et d'éclairages adaptés et qui peut dénicher les détails tapis dans un coin d'ombre que j'ai même du mal à saisir à l'oeil nu. On prétend aussi que les "photographes" entravent les parcours : certes, si l'on se réfère aux encombrements qui s'aglutinent devant Mona Lisa, on mesure la rançon du succès et les limites de la démocratisation de l'art, quand elle s'arrête aux stéréotypes. Mais, en ce qui me concerne encore, je passe moins de temps à photographier un cartouche d'exposition qu'à le recopier dans un carnet, et un petit cliché est plus rapide qu'un long descriptif, grifonné en équilibre devant la toile, le calepin calé contre la poitrine alors que les visiteurs vous bousculent, exaspérés par votre station importune !


On en use dans les magasins et galeries commerciales, au motif que vous pourriez être un espion asiatique (ceux de l'Est ne sont plus à la mode) et que vos clichés ont peut-être des intentions malveillantes, de copie, de plagiat ou de vol d'idées. Tout cela est normal mais ne tient pas debout : si vous étiez l'espion supposé, vous prendriez soin de vous armer de matériel discret pour opérer sans encombre et nul ne saurait alors vous en empêcher ! Le plus souvent vous aimez une mise en scène, une palette de teintes, une ambiance, et votre photo n'est qu'à visée esthétique.
On en use maintenant à tort et à travers dans les salles de concert, au motif que cela gêne la concentration des artistes ou/ et celle des spectateurs. Même sans flash (ce qui me semble la moindre des corrections, malheureusement rarement respectée par certains spectateurs indélicats, et ce, malgré les interdits), même avec des appareils parfaitement silencieux, ainsi qu'il est facile de rendre nos appareils numériques. La presse, elle, a toujours le droit de venir s'installer à côté de vous, armée d'un reflex qui fait un bruit de casserole à chaque prise de vue, au grand dam des solistes du premier rang et d'une centaine de malheureux qu'on s'inquiète alors fort peu de gêner. Quant aux enfants trainés sans discernement par des parents soucieux d'économiser la nounou, vous subirez sans que personne n'y trouve à redire leurs coups de pieds, leurs plaintes (c'est bientôt fini ?), leurs baillements et autres manifestations naturelles d'impatience devant un spectacle qui, non préparé, les rase au plus haut point.


On en use et pourtant, l'interdit n'a jamais été autant contourné, la miniaturisation et la technologie rendant vaines ces diatribes inutiles et ces censures de pure forme. A la Roche Posay, je me suis faite reprendre alors qu'au dernier rang, sans flash et sans le moindre bruit, je prenais une photo de la scène. Tout autour de moi des dizaines, voire des centaines de clichés étaient pris, mais je fus la seule à être priée de ne point le faire. Ce n'est que lors du dernier concert (il y en avait 7 en excluant les concerts du Off qui ne semblaient pas visés par cette mesure) qu'on annonça que les photos étaient interdites durant le spectacle à la demande des artistes, et qu'il nous était seulement loisible de prendre les saluts au moment des applaudissements. Voilà donc la raison de ma série de montages complètement flous qui vous racontera mieux que tout autre reportage notre Festival : lorsque vous photgraphiez les saluts, vous avez la calvitie d'une moitié de salle qui s'étale devant votre objectif, pas mal de mains levées et vous visez vaille que vaille la scène ! Juste au moment où vous appuyez, les artistes s'inclinent, c'est raté. Vite vous rappuyez, oups ! ils sont en train de quitter la scène. Vous restez à l'affût d'un éventuel retour, et là encore, le temps d'ajuster dans une salle sombre, ils ont plongé dans un impreccable salut qui vous laisse quelques traces impérissables et fort avenantes !


Après avoir parlé de culture de masse et de civilisation des loisirs avec un rien de snobisme, quelques intentions bienveillantes de bon aloi et un rien de condescendance, on s'est aperçu que cette masse enflait de jour en jour et la foule a engendré la peur : peur de ne pouvoir contrôler, peur d'être débordés, peur de voir le vulgum pecus s'approprier quelque chose, peu importe quoi, qui pourrait être vendu. D'où ces réactions, suscitées sans doute aussi par le manque de respect et le sans-gêne de beaucoup mais qui, comme tout interdit, sont excessives et pas forcément porteuses de progrès. Au prétexte de respect du droit à l'image (à voir : ce site qui parle du droit de photographier), on interprète de travers les textes qui prévoient que, si l'on est une personne publique ou qui se produit en public, on ne peut prétendre à la même protection que le péquin lambda... Lequel se retrouve forcément, vu le nombre de fois où l'on est visé sur les lieux touristiques par des objectifs indiscrets, sur des milliers voire des millions de photos sans pour autant s'en offusquer. Ma moisson de clichés ratés vous tiendra donc lieu de commentaire pour illustrer le Festival "les Vacances de Monsieur Haydn" 2011 à la Roche Posay ! C'est dommage car j'ai beaucoup aimé cette édition et nous avons eu la chance d'y entendre des ensembles de très grande qualité ... D'autant qu'il m'est déjà arrivé de supprimer des photos à la demande des intéressé(e)s qui se trouvaient "moches" (comme la photo n'y est plus vous ne saurez pas qui m'a demandé cela !!), voire de modifier des textes qui leur semblaient trop abrupts !

15 commentaires:

  1. Ah! Je suis bien d'accord avec vous, Michelaise, et je ressens également comme une injustice cette interdiction de photographier même lorsqu'on se fait discret, qu'on n'utilise pas le flash et qu'on n'hésite pas à acheter les catalogues proposés à la vente. Les Italiens sont plus intelligents, qui feignent de ne rien voir si l'on sait se faire ignorer ou qui autorisent trois photos prises avec respect et discrétion. Certes, les oeuvres et les artistes ont le droit d'être protégés, mais on a bien souvent l'impression que, dans ce genre d'interdiction, les considérations commerciales priment sur la morale de l'affaire. La nature, elle, se laisse généreusement photographier. Que ceux qui appliquent les règlements à la lettre (au pixel?) y réfléchissent!

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  2. Ah! que j'aime bien t'entendre pousser des coups de gueule! J'aurais tendance à te suivre sur toute la ligne, sauf sur la fin et je vais t'expliquer pourquoi!
    Oui, les musées qui nous interdisent de photographier des oeuvres d'art ont des arguments fallacieux. Compte tenu de l'éclairage déficient dans les galeries de musées, les photos numériques que l'on réalise ne peuvent absolument pas rivaliser avec les cartes postales qui ont été prises dans des conditions différentes avec un éclairage adapté. Comme toi, je photographie et j'achète des catalogues d'exposition et les deux choses ne sont pas incompatibles. Mais j'irais même plus loin que toi et je dirais que les flashs ne mettent pas tant que ça en péril les pigments des tableaux. La preuve, c'est que même le musée du Louvre accepte que ses visiteurs photographient La Joconde avec flash. Si ce que le Louvre accepte de La Joconde est juste, pourquoi est-ce grave alors de photographier dans les autres musées de France des oeuvres infiniment moins prestigieuses??? Je ne dis pas ça pour défendre l'usage du flash, je ne l'utilise jamais et je trouve que ça jette une lumière blafarde absolument monstrueuse, mais je dis ça pour qu'on garde la mesure des choses.
    Egalement d'accord avec toi pour égratigner les grands magasins qui s'imaginent bien des choses ou prétextent de l'espionnage industriel pour nous interdire de photographier des produits ou des installations. Combien de fois je me suis fait reprendre au Lafayette gourmets en train de photographier des cerises à 30 euros le kilo, des avocats bio à 7 euros pièce ou des tomates à 10 euros le kilo!!! A chaque fois, il y avait un Cerbère qui sautait droit sur moi en confondant appareil photo et os à ronger.
    Là où, en revanche, j'aurais tendance, à considérer que l'interdiction de photographier est légitime, c'est bien pendant les concerts. Je dois t'avouer que lorsque j'ai vu les photos de ton post avant d'en lire le contenu, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire en moi-même : "Hé bé, elle en fait des progrès Michelaise, elle attend maintenant que le concert soit terminé pour prendre ses photos." C'est vrai, imaginons 5 minutes que nous sommes, toi et moi, assis l'un à côté de l'autre pendant un concert de Cecilia Bartoli. Je te le dis franco : si pendant un lamento qui exige effort et concentration, je te vois sortir ton appareil photo, la réaction normale, la réaction spontanée, la réaction immédiate, c'est que je te bâillonne ou que je te confisque ton appareil photo. La règle étant : JAMAIS PENDANT UN CONCERT. Une règle qui ne souffre aucune exception! Après, c'est différent. Et je crois avoir montré, avec mes photos de Cecilia ou de Jaroussky que je pouvais faire de belles photos pendant les salutations!!! C'est d'ailleurs un moment plus propice, le stress retombe, les artistes sont contents et ils nous pardonnent de les prendre en photo, même si ils n'aiment pas ça!!! Ensuite, si la photo déplaît, évidemment je ne vois rien contre le fait de la retirer. Mais cela ne m'est jamais arrivé. Je fais toujours en sorte de mettre des photos qui soient avantageuses pour les artistes, y compris ceux que je déteste. J'avais par exemple des photos très explicitement laides de Natalie Dessay, des photos où elles faisait la gueule, je ne les ai malgré tout pas publier, parce que je ne trouvais pas ça correct. Et j'ajouterai qu'il n'est pas question non plus de réécrire ou corriger un texte, sauf si l'information qu'on véhicule est fausse. Il m'est arrivé une fois de dire des bêtises sur un instrumentiste des Arts-Flo, celui-ci m'a écrit très gentiment pour me dire que je me trompais, j'ai corrigé mon erreur et je l'en ai remercié. Mais si Nathalie Heinich m'avait demandé de retirer mon texte, je ne l'aurais jamais fait!!! Bon, et sinon Haydn dans tout ça?

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  3. J'ai dû élimer mon commentaire parce que j'avais encore dépasser les 4096 caractères! Fait chier blogger!!!

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  4. Impossible de ne pas partager tes considérations, de sagesse ou tout simplement de bon sens. Ma la saggezza, ahimé, non è di questo mondo, e purtroppo neanche più il buon senso...
    En tout cas je trouve que tes photos, meme si floues -ou justement à cause de ça- ne sont pas mal du tout.
    Bonne semaine !

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  5. Allons GF il est là ton commentaire, et conséquent ma foi !! Rien que le nom, ici sans signification réelle, de Haydn et on te titille... si on y ajoute un coup de gueule, cela devient super !! N'empêche que j'ai oublié de préciser que les photos prises depuis le dernier rang ne l'étaient pas pendant le concert mais au moment où tout le monde étant enfin en place, ayant accordé, etc... partaient les premières mersures. Un moment calme, enfin, plus calme que les saluts et qui, du dernier rang (où je suis presque toujours contrairement à toi, on cherche le calme où on peut n'est-ce pas), ne gêne personne (sans flash bien sûr, et avec un 100% numérique pour le silence). Le moment où, dans les concerts bien élevés, les journalistes oeuvrent ! mais sous le nez des artistes et en faisant d'horribles clics, clacs... BRavo pour tes "plus de" 4096 caractères !! ils ont du caractère

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  6. Que puis-je ajouter ? Dire bien sur que je suis entièrement d'accord, cette interdiction devrait être interdite ! Il y a aussi un certain plaisir de "prendre" une oeuvre en photo : appropriation ?

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  7. Allez Michelaise,

    Le principal c'est la musique.
    Mais un bon coup de gueule, cela fait du bien, à dire et à lire car il est si juste.

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  8. Ah Robert, tu as mis le doigt sur l'évidence, et là, je vais me faire l'avocat du diable : c'est une manie de vouloir "prendre" des photos, je te l'accorde volontiers et dans cette manie il y a forcément un besoin de thésaurisation excessif, dont acte, tu as raison.
    Ceci étant, quand on pense billet de blog, on n'a guère envie de ne servir que du texte, fut-il le mieux tourné du monde, il devient vite indigeste. Alors ?? il faut illustrer avec des images prises sur le web ?? prise avez-vous dit Michelaise, mais alors il y a vol de propriété intellectuelle. Alors ?? T'as raison Siù, du flou, des photos ratées, des montages bizarres au moins ça c'est original et personnne ne vous les piquera, et personne n'y trouvera rien à redire !
    GF je me suis faite reprendre aussi au Lafayette Gourmets, devant un joli étal d'épices, grave !!!
    Mais oui Miss Lemon, le principal c'est la musique, et les illustrations sont là pour alléger le texte !! Faut bien râler de temps à autre pas vrai !!!

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  9. Et oui Anne, la nature finalement est généreuse, et, objectivement, les photos de fleurs et de paysages, ça plait toujours !

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  10. C'est vrai que c'est parfois un peu n'importe quoi avec le developpement du numérique, tout le monde sort son p'tit appareil, sans se poser de questions, et forcément....des questions se posent....tandis que d'autres, débordants de bonnes intentions, se portent garants du «bon usage»...alors pourquoi pas celui-là....je pourrais t'en raconter des petites annecdotes Mimi. Je me souviens d'avoir envoyé «chier» une seule fois un type, lui demandant s'il connaissait le quartier...plutôt que de chasser les photographes, d'aller chasser les marchands de «mort»....

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  11. Et puis je trouve ça bien la morale de ton histoire : "Ah! ils ne veulent pas être photographiés! Eh bien qu'à cela ne tienne, on ne parlera pas du concert!!!" C'est la même chose avec les musées : ceux qui interdisent les photos ne se rendent pas compte des échos dont ils se privent et qui font 1000 fois que leur fichue com' à la noix!!!

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  12. Toujours un plaisir de te retrouver!
    J'ai adoré les photos flous,artistiques au demeurant, j'ai adoré le texte, les commentaires.
    J'ai eu le temps... de tout lire.
    Rien à ajouter, Chef!
    Si, peut être une remarque que je me fais à moi même: souvent à faire des photos on peut en oublier de regarder avec ses propres yeux. Je fais de plus en plus attention à cela et essaie de profiter de la vision avant de mettre le petit oeil de verre en contact avec "l'oeil de vie".
    Martine de Sclos

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  13. Oh que oui Oxy, tu dis le plus important "profiter de la vision avant de mettre le petit oeil de verre en contact avec "l'oeil de vie"... regarder avant, après !! à une époque, j'usais d'un moyen génial pour regarder, le croquis !!! mais cela ne m'est pas naturel et on y passe des plombes ! quand on a le temps, c'est génial
    Gf, le pire tu sais c'est que je menace, mais mes articles suivants sur les vacances de mr haydn sont déjà prêts, car en fait ils sont super sympas dans ce festival et une fois passé le mouvement d'énervement (sapristi, ça tombe toujours sur moi, qui, en plus, radote et ne cesse de proclamer leurs louanges !!!), je ne suis pas rancunière !!
    Oh Chic, je me doute que tu dois être souvent en butte à des mésaventures de cet ordre !!! forcément... ah les défenseurs de l'ordre, qui vous sermonnent et vous font la morale, quelle engeance !

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  14. C'est vrai que ces interdictions sont bien dommages ! D'autant plus que, comme tu le dis, avec le numérique plus de bruit et flash pas obligé... Pour moi, les photos sont le meilleur moyen de fixer un petit moment agréable (ou pas) dans ma mémoire : le simple fait de voir une photo me permet de revivre l'instant. C'est un support vraiment important et je suis toujours déçue de ne pas pouvoir utiliser mon appareil...

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  15. Oui, j'estime que si on est sur scène , on est "photographiable" et avec le numérique on peut être un photographe très discret, sans flash ni son (le fameux clic !)
    Depuis que j'ai mon blog, c'est vrai je prends plus de photos et alors !
    Cela ne m'empêche pas d'acheter aussi les catalogues, un autre plaisir et d'apprécier les spectacles et les expo !
    J'étais à Pau où nous avons eu le droit à l'entrée gratuite (premier dimanche du mois !) et le guide nous donna le droit de photographier sans flash, ce n'est pas le bonheur ?

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