jeudi 15 décembre 2011

CONTE OU REALITE ?

Inspiré d'un fait réel qui s'est déroulé en Turquie en 2001, le film s'égrène comme un conte, une fable douce amère qui célèbre l'indéfectible antagonisme et l'incontournable complémentarité des gents masculines et féminines. Servis par de superbes acteurs, il fait penser à une toile orientaliste : teintes chaudes et lumineuses, doucement patinées, mise en scène très esthétisante, l'action se déroule selon un ryhtme lent mais soutenu et connait assez de rebondissements pour garder le spectateur en éveil. Pas trop de manichéisme dans cette leçon de morale, même si les bons sentiments sont un peu trop naïfs et si l'épilogue est prévu d'avance. Un film qui peut énerver par ce que d'aucuns jugeront être de la mièvrerie, mais qui doit être pris comme une métaphore de l'amour qui, s'il n'est pas maintenu vivace, se tarit et s'étiole.

Un titre résonnant comme une promesse et qui fait hésiter entre conte et western... Mais ce n'est ni l'un, ni l'autre : simplement, là encore, une histoire qui est réellement arrivée au co-scénariste du film, Ercan Késal et autour de laquelle Nuri Bilge Ceylan a construit une admirable enquête pleine d'humanité, de sensibilité et de poésie. Dans ce microcosme fataliste de la société turque, l'absurde et l'humour sont au rendez-vous. Certes, le film est long et austère, mais d'une efficacité stupéfiante. La très longue scène nocturne qui ouvre ces deux heures de pellicule compose une entrée en matière à la limite du fantastique, qui permet de découvrir par touches délicates et parfois fort drôles, des personnages dont certains disparaitront par la suite. Quand le jour se lève sur ce pays magnifique aux horizons arides, surgit une autre réalité distillée avec finesse par le réalisateur : des humains qui doutent, et qui ont du mal à se situer dans une société minée par les petits arrangements avec soi-même, presqu'en faillite morale et pourtant terriblement fraternelle.


J'avoue que la perspective de voir des universitaires juifs palabrer sur le Talmud m'attirait moyennement et qu'Alter m'a un peu trainée voir ce film dont le titre, cette fois-ci m'évoquait fort désagréablement le ballon rond ! J'avais tout faux et je me suis follement amusée à cette fable grinçante qui expose sans concession les travers des universitaires, les rivalités inexpiables entre chercheurs, les hypocrisies de bons esprits, l'égoïsme d'un père... et ces fameuses notes de bas de page qui m'ont valu tant de déboires avec mon vieux et vilain directeur de thèse qui maugréait sans cesse que je n'en avais pas mis suffisamment. Mais qu'on ne s'y trompe pas c'est une tragi-comédie dont le fond est grave, et la blessure infligée au fils par ce père tyranique, égocentrique, introverti, jaloux, maniaque et mesquin sont de celles dont on se remet difficilement. Les acteurs sont au diapason et particulèrement justes. J'ai adoré la bande-son, dont le rythme rafraichissant met en relief l'absurdité de ces conflits et l'inanité des froncements de sourcils de ce vieil acariâtre. La fin enfin, ouverte et qui nous a divisés (Alter est persuadé qu'Eliezer Shkolnik va accepter le prix alors que j'avais cru comprendre le contraire !) nous laisse sur un sourire un peu triste mais ravis de ce bon moment de cinéma.


Après la détestation d'un fils par son père, celle d'une mère par son fils. Ici encore, au départ, un fait réel, qui a inspiré cette mise en image cruelle et terriblement efficace dont le sujet, a priori, me semblait insupportable. L'enfant monstrueux, la mère victime consentante et vaguement responsable, je n'avais pas trop envie d'affronter cette histoire psychologiquement trop agressive. Vue à travers le prisme des souvenirs de la mère, l'affrontement entre cet enfant terriblement désiré et sa mère abominablement culpabilisée, se lit avec des soubressauts, des inquiétudes et une intensité qui fascinent et répulsent à la fois. Le titre,  qui annonce que "nous" devons "parler", est presque une provocation car le film retrace seulement la solitude désespérée et silencieuse d'une mère qui a tout perdu, son mari, son fils, sa fille et qui se heurte, comme une mouche dans un bocal, aux souvenirs douloureux d'une période incompréhensible et révoltante. Tilda Swinton interprète ce rôle écrasant avec un talent incroyable, même ses pieds déformés sont déchirants de vérité !! Quant aux enfants, jeune ou adolescent, ils sont proprement odieux et parfaitement cadrés par une réalisatrice forcément torturée qui déclare "A mon âge, la possibilité d'avoir un enfant vous traverse l'esprit. Ces questions de la responsabilité, des raisons ayant conduit à avoir un enfant sans vraiment le connaître, ça me connaît."

10 commentaires:

  1. Je n'ai pas vu le film (en fait je vais très rarement au cinéma c'est pourquoi je suis attentive à vos écrits !)mais j'ai lu "Il faut qu'on parle de Kevin" il y a 2 ans et ce livre m'a beaucoup marqué, je me demande comment il a pu être mis en image tant ces lettres d'une mère à son mari étaient intenses, il fallait attendre les 4 dernières pages pour apprendre que le père de Kevin était mort lui aussi...
    une lecture qui ne s'oublie pas.
    @ bientôt
    (Josette)

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  2. J'avais beaucoup aimé le livre dont est tiré le dernier film dont tu parles, et je ne sais pas si j'ai envie de voir le film ... sujet difficile forcément plus cru en images qu'en mots...Belles fêtes de Noël à tous les deux...

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  3. Josette on attend aussi les dernières images du film pour apprendre la mort du père... avec une magnifique boucle : le film s'ouvre sur un voilage de fenêtre qui se balance doucement dans la brise... et à la fin du film, on retrouve ce voilage et la caméra passe la porte-fenêtre pour vous faire découvrir le carnage dans le jardin (discrètement, pas gore du tout).
    Mais Josette ou Catherine, c'est vrai que lorsqu'on a aimé fortement un livre il vaut souvent mieux éviter d'aller voir le film, car on est souvent déçu par la lecture qu'en donne le réalisateur. Merci Catherine joyeux Noël à toi aussi !

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  4. J'ai raté Footnote pour des questions d'horaires, j'espère qu'il passera un jour à la télé. J'ai vu le dernier qui m'a beaucoup impressionnée. Tilda Swinton est incroyable. J'ai acheté le livre, j'attends un peu que le film s'estompe dans mon souvenir. Bonnes fêtes de fin d'année !

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  5. Footnote à la télé ou en DVD, ce n'est pas dramatique de l'avoir raté car honnêtement cela risque de ne pas plaire (la critique n'était pas enthousiaste, même si, en ce qui me concerne, cela m'a parlé)
    Quant au livre, je crois que je vais faire comme toi Aifelle, attendre que le film soit un peu loin ! Il est très prégnant !

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  6. Les temps sont tellement durs qu'on n'a pas forcément envie d'aller au cinéma pour y entendre des histoires encore plus dures et encore plus tristes... Au moins je n'aurai pas besoin d'aller voir "Kevin.." pour en connaître la fin :-))
    Dans un tel contexte, le premier que tu cites, "La source des femmes", semble apporter un peu de légèreté et d'espoir.
    Merci à toi de toutes ces idées. Bon dimanche.

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  7. Et oui Odile, on a dit la fin mais tout le monde semble, ici, avoir lu le livre !!! La source des femmes léger ? Oh non, le statut des femmes y est par trop humiliant et si le happy end efface les malaises, on reste sur une impression tout de même bien lourde. Je crois qu'on va aller voir le chat Potté histoire de se changer les idées !!!

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  8. Oh mince alors, pas de répit non plus de ce côté ! Je vote pour le Chat Potté, ma fille l'a vu et ce qu'elle m'en raconte, ce qu'elle mime, me fait rire !

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  9. J'ai beaucoup aimé "il était une fois en Anatolie" pourtant l'histoire n'est pas drôle mais les images sont tellement belles et une certaine lenteur du film me convient bien !

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  10. Beaucoup aimé les trois premiers.
    Par contre le livre ne m'a pas donné envie d'aller voir le dernier.
    Vents Contraires :pas mal

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