LUX IN ARCANA

Lux in Arcana... nous y étions le jour de l'ouverture et avons ainsi pu découvrir les archives dites « secrètes » du Vatican. L’exposition « Lux in Arcana »  peut, à première vue, paraître austère, voire difficile : il faut se pencher sur les vitrines, ajuster ses lunettes, affuter ses connaissances historiques. Mais, pour peu que l'on ait la chance, comme ce fut notre cas, de la visiter au calme (elle durera jusqu’au 9 septembre, cela laisse des possibilités !!), on voit, on touche, on palpe presque tout l'histoire de notre civilisation chrétienne. Soudain, tous ces épisodes qui ont marqué les ruptures, procès, traités, archives, prennent vie et forme devant nous. Ce n'est plus de la théorie, ce n'est plus un épisode relaté par des historiens mais un moment d'Histoire qui se concrétise sous nos yeux. Comme si, soudain, nous assistions à l'événement tant de fois relaté !

 L'imposante mise en scène du rouleau des témoignages du procès des Templiers ! Environnés de flammes, les 60 mètres de parchemin se déroulent avec somptuosité dans une ambiance feutrée.

Les minutes du procès de Galilée (1616-1633), la bulle d’excommunication de Martin Luther, la requête en annulation du mariage d’Henri VIII, avec les 81 sceaux des parlementaires anglais demandeurs, à l’origine du schisme anglican, voisinent avec le procès-verbal d’audition des Templiers, en 1308, recueilli sur un parchemin de 60 mètres par trois cardinaux envoyés par le pape Clément V au château de Chinon. Des lettres du Bernin ou de Michel-Ange voisinent avec celle de Marie-Antoinette, dans sa prison du Temple, qui écrit : « Les sentiments de ceux qui partagent mon chagrin sont la seule consolation que je puisse recevoir dans ces tristes circonstances".
C’est un voyage dans le temps et dans l’espace qu'on accomplit dans la pénombre du Capitole : du VIIIe siècle pour la pièce la plus ancienne, à la Chine et à l’empire inca pour les contrées les plus lointaines, on parcourt toute l’histoire de la papauté mais aussi celle de l’Europe, et du monde. Des épisodes qui ont marqué l'évolution de l'histoire des hommes, qui ont impulsé des tournants décisifs, qui sont souvent cités pour comprendre comment le monde a évolué. C'est impressionnant.

Pas de révélation tonitruante car depuis 2000, la consultation l’ensemble des archives de Vatican II est ouverte à tous les chercheurs. Même si les documents de la période troublée de la deuxième guerre mondiale ne sont pas tous encore entièrement connus, les archives vaticanes sont consultables et le "secret" évoqué par le titre de l'exposition est plus théorique que réel. Quelques impressions "historiques" glanées au cours de cette impressionnante visite dans le temps :

La fameuse ratification de l'Ordre de Saint François par le Saint Siège, avec les précisions sur les règles de la nouvelle congrégation. Un événement très souvent illustré par des fresques ou des toiles admirées de-ci, de-là !

La bulle Inter Cetera d'Alexandre VI qui concède, en 1493, à Ferdinand d'Aragon et à Isabelle de Castille la possession de toutes les terres à l'ouest d'un méridien idéal passant à 100 lieues des Iles des Açores et du Cap Vert, moyennant l'obligation pour les souverains d'envoyer des missionnaires catholiques pour évangéliser les populations indigènes... Un document qui a façonné la face du monde pour les siècles à venir !

En 1278 le pape Nicolas III envoie des franciscains évangéliser la Perse et réaliser une alliance politico-militaire avec les sultans mamelouks d'Egypte qui menaçaient les dernières possessions chrétiennes de Terre Sainte. On voit souvent ces moines dans des peintures renaissances, l'épisode donnant lieu à de jolies mises en scène orientalisantes. Lux in Arcana présentait le sauf-conduit émis par Abaqa en faveur de Gerardo da Prato, le moine qui dirigeait l'expédition, pour lui permettre de traverser ses territoires.

Une lettre de Michel-Ange alors qu'il dirigeait un chantier à Cesena pour demander que ses ouvriers soient payés, ces derniers menaçant faute de subsides d'abandonner le travail

La ratification du concordat entre le République française et le Saint Siège, qui pose que la religion catholique sera le culte prééminent dans la vie nationale mais sans pour autant être religion d’État.

Une lettre de Jean Vokkos, patriarche de Constantinople pour confirmer l'adhésion de l'église grecque à l'union avec Rome selon les accords du concile de Lyon de 1274.

Le document, écrit en latin et en grec, signé par le pape et par Jean VIII Paléologue à la fin du concile de Ferrare et de Florence (qu'on pense aux splendides fresques de Gozzoli qui racontent cet événement dans un luxe pictural époustouflant)

Une lettre de l'impératrice de Chine Wang au pape Innocent X : convertie par les jésuites en 1650 et devenue chrétienne sous le nom d'Hélène, elle professe sa foi, demande au pape de prier pour elle et d'intercéder pour la conversion de l'empereur Yongli et la victoire des Mings contre l'invasion des Manchous. La lettre, soigneusement protégée dans un bambou, mettra plus d'un an à parvenir au pape qui le recevra après la mort de Lien-Ha (Hélène), et la réponse de ce dernier arrivera en Chine plusieurs années plus tard !

... Au total 100 pièces passionnantes, fort astucieusement présentées, avec des textes d'accompagnement clairs et agréables, mais qu'on ne s'y trompe pas : ce n'est pas une exposition de miniatures ni de dessins, ce sont d'arides écrits, de simples documents, mais qui ont fait l'Histoire. Il faut avoir envie de réviser son histoire de la chrétienté pour ressentir cette émotion qui nous a saisis en "croisant" les étapes fondatrices de notre culture. Vous savez, tous ces événements qu'on vous relate quand, touriste studieux, vous potassez votre guide en égrenant laborieusement les dates et les personnages pour tenter de vous y reconnaitre dans la jungle de l'Histoire !!

A SUIVRE